L’Allemagne vient de renouer avec la croissance économique, grâce notamment à la hausse de ses exportations. S’il se montre optimiste, le réseau des Chambres de commerce (DIHK) insiste sur le nécessaire regain de performance dans la durée.
Hans Heinrich Driftmann préside la DIHK depuis 2009 (1). L’ancien enseignant et chef d’entreprise livre ses impressions sur une reprise économique rassurante, mais toujours fragile.
Commerce International : La récente crise semble toucher à sa fin et l’économie allemande relève la tête. Que faut-il faire aujourd’hui pour soutenir ce rebond ?
Hans Heinrich Driftmann : « La hausse des exportations joue une fois de plus un rôle absolument crucial dans le redressement économique du pays. Par le passé, elles ont souvent représenté un levier décisif et c’est encore le cas aujourd’hui. Mais le financement des activités pose toujours un problème majeur et menace ce nouvel essor. Pour répondre à l’augmentation de la demande étrangère dont nous bénéficions actuellement, nous souhaitons accélérer l’investissement, ce qui implique un besoin de crédits. Les mauvais résultats de l’année 2009 n’incitent pas les banques à faire de réels efforts dans ce domaine, il existe une frilosité persistante. Or, c’est dans une situation de reprise comme celle-ci que le soutien financier doit être le plus important afin de prolonger dans le temps les bonnes performances. La Chambre s’inquiète également des conséquences sur l’économie des futures règles bancaires envisagées dans le cadre des accords de Bâle 3 : les critères de solvabilité seront apparemment durcis. Les répercussions néfastes de ces décisions sur l’attribution des crédits aux entreprises devraient être mieux prises en compte. »
Certains observateurs tablent sur un nouveau ralentissement de la croissance dans quelques mois. Qu’en pensez-vous ?
H. H. D. : « Il est vrai que certains indicateurs comme l’indice ZEW, qui mesure les attentes des investisseurs, tendent à accréditer cette théorie. Ce n’est pas notre avis. La Chambre vient de réaliser un vaste sondage auprès de quelque 22 000 entreprises allemandes – l’étude était basée sur la situation économique de celles-ci, leurs projets et les impressions de leurs dirigeants. Les conclusions sont plutôt optimistes : l’amélioration de la conjoncture économique aurait plutôt tendance à s’accélérer dans les mois à venir, d’ici la fin 2010 et tout au long de l’année 2011. Les entreprises se montrent particulièrement décidées à augmenter leur niveau d’investissement et à embaucher. »
Ce retour à l’emploi sera-t-il suffisant pour résorber un taux de chômage dont le niveau reste élevé ?
H. H. D. : « En Allemagne, la récente crise économique n’a provoqué qu’une légère hausse du nombre de chômeurs, mais il est vrai que celui-ci est toujours trop important. L’emploi de courte durée et les efforts des entreprises à l’égard de leurs salariés ont grandement contribué à cet état de fait. À l’heure actuelle, l’ensemble du secteur privé nous envoie des signaux très positifs quant à l’avenir de l’emploi. Nous constatons d’ores et déjà que depuis presque deux ans, le nombre d’entreprises qui embauchent est supérieur au nombre d’entreprises qui réduisent les effectifs. En 2010, environ 200 000 demandeurs d’emploi quittent les listes du chômage. À ce rythme-là, le seuil symbolique des 3 millions de chômeurs ne sera bientôt plus dépassé. Pour améliorer les statistiques à plus long terme, une nouvelle politique visant à instaurer une meilleure flexibilité du marché du travail serait judicieuse. De nouveaux types de contrats pourraient aider les chômeurs à réintégrer plus rapidement le marché de l’emploi. C’est particulièrement valable pour les demandeurs d’emploi les moins qualifiés qui sont les premières victimes du chômage tant en termes de fréquence qu’en termes de durée d’inactivité. »
Près de 30 000 places d’apprentissage ne trouvent pas preneurs en Allemagne. Que peut entreprendre le réseau DIHK contre ce problème de formation ?
H. H. D. : « Le vieillissement démographique que nous connaissons a frappé le marché du travail de plein fouet. Chaque année, en raison des départs en retraite, la population active perd un nombre important de travailleurs dont le savoir-faire technique est inestimable. À l’inverse, les jeunes élèves qui quittent le système scolaire classique pour s’orienter vers les places d’apprentissage sont de plus en plus rares. Ces postes souffrent également d’une mauvaise image, ils ne sont plus convoités. Pour contrer cette situation, les Chambres allemandes ont organisé en 2010 plus de 1 000 événements destinés à rassembler les jeunes et les entreprises. Il s’agit de journées d’information, de plate-forme d’échanges, de découvertes concrètes de métiers… La “Journée de la Formation” récemment créée, qui se tiendra désormais chaque année à l’échelle nationale, s’inscrit dans cette logique. Nous essayons également de rencontrer régulièrement des décideurs politiques afin de les sensibiliser sur la nécessité de mettre en place de nouvelles mesures incitatives visant à valoriser l’apprentissage. »
L’euro a subi d’importantes secousses au cours des derniers mois. L’union monétaire est-elle en danger ?
H. H. D. : « Il ne faut pas être trop alarmiste. Mais tout doit être mis en œuvre pour stabiliser l’euro. Pour cela, les États de l’UE doivent prendre leurs responsabilités et mettre sur pied les mesures nécessaires pour assainir leurs budgets. Il faut rappeler à tous les États membres que les critères de stabilité doivent absolument être respectés. Nous pensons qu’un système de sanctions automatique à l’égard des nations qui ne respectent pas ces critères est une bonne solution, même s’il s’agit de mesures peu populaires. Il en va de la qualité de notre union. Avec un cadre de fonctionnement plus rigoureux et un plus grand respect des fondements communs, l’euro sera plus stable. »
La baisse des dépenses publiques devient un credo dans nombreux États européens. Cette politique peut-elle être dangereuse ?
H. H. D. : « En observant les indicateurs de conjoncture, nous constatons qu’un retour à une croissance économique pérenne est très probable. C’est en grande partie grâce à de nombreuses mesures prises récemment, qui portent leurs fruits. Les réformes destinées à assainir les comptes publics participent de la même volonté d’aboutir à une situation économique viable sur la durée. Elles sont également une garantie pour l’avenir à court et à long terme. Elles rassurent les investisseurs, favorisent l’accès aux crédits, apportent de la confiance. Actuellement, plusieurs déficits publics très lourds en Europe montrent à quel point il est indispensable d’agir. Mais attention à utiliser les bons leviers pour cela ! Il va de soi que les efforts consentis par le gouvernement allemand au cours des dernières années sur le plan fiscal seraient réduits à néant si nos entreprises étaient à nouveau mises davantage à contribution. »
Quels sont actuellement les principaux obstacles pour les PME allemandes ?
H. H. D. : « En plus de l’accès au financement qui reste un problème important, les entreprises de petite ou moyenne tailles sont directement victimes de la raréfaction de certains emplois qualifiés. Ces structures manquent souvent de techniciens et d’ingénieurs, en particulier dans le domaine des nouvelles technologies toujours en plein essor. Mieux adapter la nature des formations initiales aux attentes réelles du marché nous paraît indispensable pour faire face à ce problème. Là encore, le contexte démographique, de moins en moins favorable, tend à aggraver le phénomène. Il est donc urgent de prendre des décisions constructives sur ce plan. »
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