Obama tente d'éviter le défaut de paiement.
Le président des États-Unis entouré du président de
la Chambre des représentants, John Broener (à gauche), et du chef de la
majorité démocrate du Sénat, Harry Reid, le 13 juillet.
Les négociations, stériles jusqu'ici, ont repris jeudi entre républicains et démocrates, alors que Moody's a mis le AAA américain sous surveillance.
Jeudi après-midi, pour la cinquième journée consécutive, les
principaux leaders du Congrès devaient se rendre à la Maison-Blanche. Il
était impossible de dire si leurs discussions avec Barack Obama
seraient aussi stériles que les précédentes.
Depuis deux mois, les dirigeants démocrates et républicains sont censés
négocier un compromis visant à réduire à moyen et long terme le déficit
budgétaire du pays. La récente implication directe du président des
États-Unis n'a pas fait progresser le débat. Au contraire, certains
négociateurs semblent souhaiter un échec, dans l'espoir d'en tirer parti
électoralement en novembre 2012.
Des échanges très vifs, la veille au soir, entre Barack Obama et Eric Cantor,
l'un des négociateurs républicains, ont créé un malaise. «Cela confirme
le pire de ce que les Américains pensent de Washington: tout le monde
est plus intéressé par prendre des postures politiciennes et flatter son
électorat que par résoudre de vrais problèmes», aurait dit Barack Obama
en colère avant de quitter la salle de réunion. Si les marchés à la
mi-séance jeudi restaient calmes, l'impasse prend une tournure
dramatique: la capacité des États-Unis à payer leurs dettes et la
pérennité de notation AAA des
obligations du Trésor américain sont bel et bien en jeu. Faute d'un
accord rapide autorisant le relèvement du plafond de la dette publique,
au-delà du 2 août, les États-Unis ne pourront plus payer toutes leurs
échéances. Le Trésor devra alors choisir lesquels de ses créanciers ne
seront pas remboursés…
Menace de krach:
Mercredi soir, l'agence Moody's
a placé les 16.000 milliards de dollars de dette garantie par le Trésor
sous surveillance avec implication négative. Ce montant comprend les
obligations d'établissements de refinancement hypothécaire, Fannie Mae
et Freddie Mac, et tous les autres types d'instruments plus ou moins
directement garantis par l'État fédéral. Une dégradation de ces titres
affecterait les institutions financières du monde entier. Un défaut de
paiement serait pire. Il pourrait déclencher un krach de nature à
replonger les États-Unis en récession tout en renchérissant aussi le
coût de la dette publique, ce qui aggraverait donc encore le problème de
Washington. L'agence rivale, Standard & Poor's, a également mis en
garde en privé les leaders du Congrès sur un possible déclassement de la
dette américaine, faute d'un accord d'ici début août.
À la
reprise des négociations, jeudi, le montant maximum d'économies
acceptables pour Barack Obama sans augmentation d'impôts tournait autour
de 1500 milliards de dollars sur dix ans. Sans garantie que les élus
démocrates de la Chambre soient prêts à aller jusque-là. Sachant que
pour stabiliser le poids de la dette à moyen terme, on estime à 4000
milliards de dollars l'effort à accomplir.
L'impasse vient notamment de l'aile droite du parti républicain,
représentée par les élus récents se réclamant du Tea Party, qui jugent
que le relèvement du plafond de la dette n'est pas nécessaire. À leurs
yeux, c'est la dette et les dépenses publiques qui plombent l'Amérique
et non l'insuffisance des impôts. Ils pensent en outre qu'en cas de
défaut du Trésor Barack Obama passera pour un président dépensier et
perdra toute chance d'être réélu. À l'inverse, la gauche du parti
démocrate juge que la crise va affaiblir durablement les républicains en
faisant éclater au grand jour ce qu'ils caractérisent comme le
fanatisme irresponsable de la faction Tea Party.
• Barack Obama:
Président des États-Unis, démocrate, 49 ans

Susan Walsh.
Le
président est prêt à réduire le déficit budgétaire de 4000 milliards de
dollars sur 10 ans. Les trois quarts des économies proviendraient de
réductions de dépenses, y compris dans les programmes sociaux très
populaires et chers aux démocrates, comme les régimes de retraites et
d'assurance-maladie des personnes âgées (Medicare). Obama demande en
échange 1000 milliards de dollars de hausses d'impôts et le relèvement
du plafond de la dette. Faute de quoi, le 2 août le Trésor n'aura plus
assez de liquidités pour payer toutes ses dépenses courantes. La
Maison-Blanche exige un relèvement d'au moins 2400 milliards, afin
d'écarter tout problème de refinancement jusqu'au lendemain des
élections de novembre 2012.
• Nancy Pelosi:
Leader de la minorité démocrate de la Chambre des représentants, 71 ans

Kevin Lamarque .
Représentante
de San Francisco, elle a été humiliée par la cuisante défaite démocrate
de novembre 2010. «Nous n'approuverons aucune réduction de dépenses
dans les programmes de retraite et de santé», a récemment déclaré celle
qui prône une relance de l'économie, espérant que le fanatisme du Tea
Party effraiera les Américains lors du scrutin de novembre 2012.
• Harry Reid:
Leader de la majorité démocrate du Sénat, 71 ans

Steve Marcus .
Sénateur
du Nevada, mormon, ancien avocat, Harry Reid est connu pour sa poigne
de fer et sa capacité à manœuvrer en jouant des règles complexes du
Sénat pour faire avancer des propositions plus progressistes que celles
de nombre de sénateurs démocrates centristes. Il accuse les républicains
d'être otages d'idéologues irresponsables. Il propose la création d'une
commission bipartite qui identifierait des centaines de milliards de
dollars d'économies possibles. Mais il insiste sur la nécessité des
hausses d'impôts.
• Mitch McConnell:
Leader de la minorité républicaine du Sénat, 69 ans

Jonathan Ernst.
Sénateur du Kentucky, il dirige la minorité des 47 sénateurs républicains (sur un total de 53). À l'image de John Boehner,
cet avocat et ancien juge passerait en temps normal pour «très
conservateur», mais fait désormais figure de pragmatique dans cette
négociation. Il se réjouit à l'idée que Barack Obama puisse perdre les
élections pour avoir échoué à réduire les dépenses publiques. Mais il
propose un mécanisme de relèvement du plafond de la dette qui éviterait
le défaut du Trésor, tout en faisant porter à Barack Obama la
responsabilité de réductions insuffisantes de dépenses.
• John Boehner:
Président de la Chambre des représentants, républicain, 61 ans

JONATHAN ERNST.
À la suite du raz de marée républicain lors des législatives de novembre 2010, John Boehner,
élu de l'Ohio - de la banlieue de Cincinnati - et deuxième d'une
famille pauvre de douze enfants, est devenu président de la Chambre des
représentants dominée par 240 républicains, contre 192 démocrates. Comme
Mitch McConnell, Boehner aurait été, en temps normal qualifié de «très conservateur». Mais vis-à-vis des élus du Tea Party, Boehner
passe pour un modéré. Il était prêt à accepter l'élimination de niches
fiscales en échange des réductions de dépenses sociales proposées par
Barack Obama en vue d'atteindre 4000 milliards d'économies sur dix ans.
Il dut revenir sur cette concession, face à l'opposition de ses troupes.
• Eric Cantor:
Leader de la majorité républicaine de la Chambredes représentants, 48 ans

Jonathan Ernst.
Ce
député de Richmond (Virginie) est devenu un personnage clé dans la
négociation sur la réduction du déficit. Il a épousé les vues du «Tea
Party» radicalement opposées à toute forme de hausse d'impôt. Il n'est
prêt à négocier que sur l'ampleur des réductions de dépenses. Un modeste
relèvement du plafond de la dette publique pourrait le satisfaire, à
condition qu'il soit accompagné de baisses de crédits équivalentes. Il
doit conserver le respect de plus d'un tiers des élus républicains de la
Chambre qui refusent par principe toute majoration de ce plafond. Eric Cantor,
très critique à l'égard de Barack Obama, s'est accroché personnellement
avec le président à plusieurs reprises. Il semble prêt à précipiter un
défaut de paiement du Trésor dans l'espoir que l'électorat rende Barack
Obama et les démocrates responsables de la catastrophe.
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