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mercredi 21 juillet 2010

Gestion d'actifs : «1.500 milliards de dollars», le nouveau seuil pour être dans le top 5 mondial.

Philippe Morel, directeur associé du Boston Consulting Group et coauteur de l'étude sur la gestion d'actifs dans le monde en 2009, détaille un marché à deux vitesses où croissance externe et déploiement font la différence.
Qu'est-ce qui vous a surpris cette année en réalisant l'étude ?
La situation entre les acteurs. Elle est très contrastée aujourd'hui, tant au niveau des coûts, de la rentabilité et du montant des actifs sous gestion. Pour preuve, en 2005, pour faire partie du top 5 mondial, les sociétés de gestion devaient gérer plus de 1.000 milliards de dollars. En 2009, le seuil était passé à 1.500 milliards de dollars. Sur la période, leur taux de croissance dépassait les 11 %, quand le marché n'avançait que de 5 %. Un marché de toute évidence à deux vitesses. Ces géants ont mené une politique judicieuse de croissance externe, réussi à se développer agressivement dans les pays émergents et resserré leur modèle économique en faisant la distinction entre les clients institutionnels et les particuliers, mondes ô combien différents. Il ne faut pas oublier non plus les effets d'un bon management. D'après nos observations, 65 % des sociétés de gestion ont véritablement contrôlé leurs coûts et 35 % les ont laissés dériver.


Selon votre étude, le nombre d'opérations de rapprochement se réduit. Qu'est-ce qui sous-tend le mouvement de concentration du secteur ?
Ces derniers temps, il y a eu quelques opérations importantes. La concentration se poursuit mais, je vous l'accorde, elle avance lentement. Le prix des actifs va se remettre à augmenter. Elle s'accélérera en sortie de crise. Cependant, il ne faut pas se focaliser sur les seules fusions-acquisitions pour expliquer la croissance des sociétés de gestion. Elles ne sont qu'un des leviers, certes important, mais tout de même risqué, car la gestion est un métier d'hommes et de femmes. Il est donc crucial que les équipes s'entendent.


Les pays émergents semblent la nouvelle terre promise pour les acteurs…
C'est exact. Des blocs comme l'Asie, hors Japon et Australie, l'Amérique latine, l'Afrique et le Moyen-Orient gagnent constamment des parts de marché dans le paysage mondial, car ils bénéficient à la fois d'un effet marché et d'une forte collecte née d'un effet richesse. Nous nous attendons à ce qu'ils captent 28 % des flux de capitaux dans quatre ans, alors qu'ils représentent moins de 10 % des encours mondiaux aujourd'hui. Le corollaire à ce phénomène d'accélération dans ces zones est que, dans les pays développés, le poids des OPCVM dans le patrimoine des ménages ne croît plus. En Europe, en moins de dix ans, il est passé de 11 % à moins de 10 %. Aux Etats-Unis, il n'est que de 17 %. Les produits de gestion collective à destination des particuliers sont condamnés à avoir une moindre croissance. D'où la nécessité pour les sociétés de gestion d'aller chercher un relais de croissance dans les pays émergents.


Cela demande-t-il un effort d'adaptation ?
Nécessairement. Croître dans ces zones n'a rien à voir avec la façon de grossir ici. Les canaux de distribution sont nettement moins habitués à vendre des produits de gestion d'actifs. Le préalable est de former les forces commerciales. En Europe, la gouvernance et le rapport avec les distributeurs priment. Là-bas, cela ne convient pas. Il y a un troisième modèle à inventer pour pouvoir capter les flux importants.


Du côté des institutionnels, que faut-il faire ?
C'est un travail de relation de longue haleine, d'historique de performance, de logique d'attachement à la marque et à l'expertise. Le nom et la réputation sont privilégiés. Ce qui explique que les capitaux ont tendance à aller chez les plus gros.


Ce sont les grands gagnants ?
En termes d'encours, oui. Mais ce qui ne veut pas dire que ce sont les sociétés les plus rentables. Ce n'est pas forcément dépendant de la taille. La rentabilité se mesure à la capacité du management à avoir le bon modèle économique. On ne retrouvera toutefois pas les marges exceptionnelles de 2006, d'environ 40 %. Les structures devront se contenter d'un 31-35 % cette année. Ce qui n'est pas si mal au regard d'autres industries. Néanmoins, elles s'améliorent par rapport à l'an passé, car un grand nombre de sociétés de gestion ont rationalisé leurs coûts, corrigé leur modèle.


Quels sont vos conseils ?
Les acteurs doivent renforcer leur activité, repérer les secteurs où ils ont des points forts. Cela peut être une ou des classes d'actifs et/ou certaines zones géographiques. Ils peuvent dès lors construire dessus leur modèle. Mais comme le monde est plus compliqué qu'avant, et dès lors que les expertises sont plus volatiles, ils doivent être forts sur deux ou trois expertises. Avec les investisseurs institutionnels, ils doivent avoir en plus une compétence en allocation stratégique. Leurs forces de vente doivent pouvoir aider le client. Aujourd'hui, la classe des produits de taux est plus porteuse auprès de cette clientèle que les actions, que deux krachs consécutifs ont écorné l'image de meilleur produit à long terme. Elle s'est complexifiée et l'expertise est nécessaire. Il faut sélectionner les bons thèmes et les sous-jacents. Les produits indiciels, ETF en tête, vont continuer à attirer les investisseurs. Et les thèmes de l'ISR et du développement durable ont le vent en poupe. Du côté des particuliers, la défiance vis-à-vis des actions les amène à considérer les produits structurés, notamment les fonds à capital garanti.

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