FRÉDÉRIC VALLETOUX EST MAIRE (UMP) DE FONTAINEBLEAU ET LE PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION HOSPITALIÈRE RÉGIONALE D'ILE-DE-FRANCE.
L'égalité d'accès aux soins de tous les Français est un des socles du pacte républicain et l'une des valeurs auxquelles nos concitoyens sont le plus attachés. L'OMS et l'OCDE avaient d'ailleurs souligné l'équilibre de notre modèle français, entre une médecine de ville d'accès aisé et un réseau d'hôpitaux publics assurant les soins, l'enseignement et la recherche, ainsi que différentes missions d'intérêt général.
Mais cette situation relativement équilibrée est de plus en plus fragilisée par l'évolution même des modes de prise en charge de la maladie, qui imposent un suivi au long cours des patients dans le cadre des affections de longue durée, et un regroupement des plateaux techniques garantissant l'accès à des technologies fortement évolutives. L'exemple des accidents vasculaires cérébraux (AVC) est à cet égard particulièrement éclairant : il importe désormais d'organiser une prise en charge précoce des patients, afin d'intervenir dans les quatre heures qui suivent l'AVC, ce qui suppose de bénéficier d'un accès aux IRM mais aussi d'un maillage de compétences humaines au sein d'unités neurovasculaires.
Ces éléments, encore renforcés par la croissance démographique des zones périurbaines au détriment des espaces centraux des métropoles, modifient considérablement la carte des besoins de santé, et leur discordance avec une offre de soins qui reste marquée par l'histoire. Au final, se dessine peu à peu un paysage sanitaire bien différent de celui auquel nous sommes habitués, marqué par l'accroissement des inégalités.
Cette situation n'est pas réservée à quelques territoires ruraux. Elle touche de plein fouet l'Ile-de-France. Sait-on que nombre de territoires franciliens sont de plus en plus dépourvus de spécialistes libéraux ? Que la densité médicale en Seine-et-Marne ou dans le Val-d'Oise est inférieure à celle des régions les moins dotées, comme la Picardie ou la Champagne-Ardenne ?
L'Ile-de-France est en effet le miroir parfois terriblement grossissant d'une situation où, pour paraphraser une formule célèbre, « les patients sont en périphérie et les moyens au centre ».
Non que l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui regroupe près de la moitié des budgets et des lits hospitaliers de la région, ne remplisse pas sa mission. Elle joue en effet un rôle de premier plan en matière de recherche, contribuant à elle seule à la moitié de la production scientifique et médicale du pays. Elle a, par ailleurs, étendu depuis les années 1960 son activité de soins au-delà du boulevard périphérique, dans le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis en particulier. Mais il faut bien reconnaître que, pour des raisons diverses, il reste bien difficile d'organiser de manière équitable la répartition des moyens financiers et humains, qui devraient être pourtant placés au service d'une véritable politique de santé publique à l'échelle de la région. Sur ce plan, l'Etat doit faire preuve de plus de volontarisme. Par exemple, en répartissant plus justement la dotation pour missions d'intérêt général, hors recherche et innovation, qui, selon le rapport présenté au Parlement, était ainsi l'an dernier pour l'AP-HP de 219 millions d'euros, soit 50 % de plus que pour le reste des hôpitaux franciliens. Et cela, sans aucune justification, ni sur la base d'aucun indicateur transparent.
La grave crise économique que nous traversons nous oblige à rechercher énergiquement les marges d'efficience de notre système de santé, en luttant contre les prescriptions inutiles, les transports sanitaires injustifiés, et en organisant des filières de prise en charge qui correspondent aux besoins de la population.
Il ne s'agit certes pas de rêver de table rase, ni de contester l'intérêt pour l'Ile-de-France de disposer d'un « vaisseau amiral », mais on ne peut imaginer que celui-ci trace son cap sans tenir compte de ses partenaires, en cédant à la tentation du « splendide isolement ». Sans dialogue approfondi notamment avec les autres hôpitaux de la première couronne, sans transparence, sans équité dans la répartition des moyens, on ne peut que sécréter un tissu d'incompréhensions, et multiplier les ruptures de prise en charge au détriment des patients.
On ne peut que s'étonner, dans ce contexte, de l'étrange politisation qui conduit le président du Conseil régional d'Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, à intervenir publiquement dans la restructuration de l'AP-HP, en promettant des moyens supplémentaires pour les hôpitaux intra-muros. Alors qu'on devrait attendre une réelle politique d'aménagement du territoire au bénéfice des secteurs les moins favorisés, on a assisté ces dernières semaines à un électoralisme peut-être médiatiquement favorable, mais qui sert d'alibi à tous les conservatismes.
Il faut donc attendre de la nouvelle Agence régionale de santé (ARS), créée par la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires de 2009, que soit mise en oeuvre une véritable approche territoriale, un « aménagement du territoire de santé » qui concilie l'offre et la demande de soins. L'Île-de-France, plus que tout autre région, a besoin de cette cohérence dans l'action publique.
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