Dilma Rousseff, qui est devenue dimanche la première femme à diriger le Brésil, raconte que c'est en plaisantant que Luiz Inacio Lula da Silva a commencé à évoquer sa candidature.
"C'était la seule manière de s'habituer à cette idée, pour quelqu'un comme moi qui n'y avait pas songé", explique l'ancienne ministre de l'Energie et directrice de cabinet du président le plus populaire de l'histoire récente du Brésil.
"C'était spontané, naturel, puis avec le temps, je suis en quelque sorte simplement devenue candidate."
Pour justifier ce choix d'une quasi-inconnue pour lui succéder, Lula a mis en avant l'expérience de sa collaboratrice dans la gestion des affaires publiques, son profil de haut fonctionnaire de l'ombre, efficace et exigeante.
Une autre version circule, qui voudrait que Dilma Rousseff soit devenue candidate par défaut après la démission de personnalités plus évidentes, comme l'ex-directeur de cabinet Jose Dirceu ou l'ex-ministre des Finances Antonio Palocci, emportés par des scandales de corruption en 2005 et 2006.
Qu'importe au final, car en s'inscrivant dans les pas de Lula, Dilma Rousseff, intronisée en juin dernier par le Parti des travailleurs, a pu bénéficier de la popularité du chef de l'Etat sortant tout au long de la campagne électorale jusqu'à sa victoire de dimanche.
LUTTE ARMÉE:
A tous ses interlocuteurs, Dilma Rousseff a asséné le même message: elle ne déviera pas de la ligne imprimée par Lula, mélange de mesures favorables à la libre entreprise et de politique volontariste de réduction des inégalités.
Tant pis pour ceux qui attendraient d'elle une réforme du code du travail ou des coupes budgétaires afin d'investir davantage dans les infrastructures, inquiets de voir s'essouffler une croissance qui caracole aujourd'hui à 7% l'an.
"Je ne ferai pas de réforme budgétaire", a-t-elle déclaré à Reuters. "On fait de grandes réformes budgétaires en période de crise économique, pas quand les réserves de change du pays sont à un niveau record, que l'inflation est conforme à l'objectif et que la dette publique se réduit."
"Il y a certains domaines où il suffit de brancher le pilote automatique", renchérit l'un de ses proches, Fernando Pimentel, qui la côtoyait au sein de la résistance armée contre la dictature dans les années 1960. "Le Brésil traverse une période de croissance vertigineuse."
Agée de 62 ans, Dilma Rousseff minimise l'importance de son passé de guérillera, qui lui a valu de passer près de trois ans en prison et d'être torturée par les militaires.
Fille d'un riche immigrant bulgare ayant lui-même fui la répression politique dans son pays, Rousseff a rejoint un groupe de l'extrême gauche radicale, Colina, après avoir entamé des études d'économie à l'université de Minas Gerais.
Son deuxième mari, Carlos Araujo, activiste à ses côtés, se souvient que ses responsabilités consistaient avant tout, sous le pseudonyme de Stella, à coordonner les actions de diverses cellules. "Elle n'a jamais tiré un coup de feu", dit-il.
Libérée de prison en 1973, Dilma Rousseff reprend ses études et abandonne totalement la lutte armée, selon Carlos Araujo qui a divorcé mais reste proche d'elle.
Comme dans d'autres pays sud-américains, les militants contre la dictature forment un réseau informel de responsables qui graviront les échelons politiques avec le retour de la démocratie dans les années 1980.
UNE PRAGMATIQUE:
"J'ai donné à Dilma son premier poste (à responsabilité) en raison de son courage dans la lutte armée", déclare Alceu Collares, ancien gouverneur de l'Etat de Rio Grande do Sul, qui la désigne secrétaire à l'Energie en 1991.
Dilma Rousseff y acquiert une réputation d'administratrice discrète mais efficace. Au passage, raconte la femme de Collares, elle se débarrasse d'une certaine image "hippie" portant sandales et lunettes à verres épais.
Pendant cette période, elle cultive son amour pour la poésie et la littérature - Marcel Proust est l'un de ses auteurs de prédilection - et donne naissance à son unique enfant, une fille, Paula.
C'est en 2003 que survient l'occasion pour Dilma Rousseff d'accéder à un poste de responsabilité au niveau national. Elu président, l'ancien métallurgiste Lula souhaite convaincre des marchés financiers paniqués qu'il ne procèdera pas à une révolution de fond en comble. Il puise dans l'aile modérée du PT et nomme Rousseff, qui a quitté trois ans plus tôt un autre parti de gauche, au poste de ministre de l'Energie.
L'une de ses priorités est de mettre fin aux pénuries fréquentes d'électricité. Elle y parvient en introduisant un système d'appels d'offres où les projets les plus favorables aux consommateurs sont privilégiés, tout en garantissant aux compagnies privées leurs investissements sur le long terme.
Dilma Rousseff va également imposer de nouvelles règles à l'industrie pétrolière. Ses détracteurs y voient le signe d'une volonté de centraliser l'économie, ses partisans assurent que la candidate à la présidence, devenue chef de cabinet de Lula en 2005, est avant tout une pragmatique.
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