Après avoir progressé pendant plus de dix ans, la part de marché des vêtements «made in China» est en recul au profit d'autres pays d'Asie ou même de la Pologne et du Portugal.
Il fallait que cela arrive: la consommation française de vêtements
s'est effilochée, en 2012, pour la cinquième année consécutive, de
2,1 %, si bien que les articles «made in China» importés en ont fait les
frais, concurrencés par des marchandises en provenance du Pakistan,
d'Indonésie, de Madagascar, de Pologne, d'Espagne ou du Portugal…
«Depuis
2004 et la fin des quotas, c'est la première fois que la Chine a vu sa
part de marché baisser dans les importations françaises de textile et
habillement», souligne Anne-Laure Linget, de la Fédération de la maille
et de la lingerie. Après avoir galopé, passant de 10 % en 2000 à 22 % en
2005 juste après la fin des quotas, cette part de marché, de 34,1 % en
2011, a été ramenée, selon l'Institut français de la mode (IFM), à
33,9 % en 2012 sur les dix premiers mois de l'année. Et la tendance ne
devrait pas changer en fin d'année.
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Plongeon indien:
Les
importations en provenance de Chine ont reculé de 5,38 % en valeur.
Elles ont plongé de 16,17 % en provenance d'Inde, un des huit gros
fournisseurs de la France. Parmi eux, le Maroc et la Tunisie, pénalisés
par le printemps arabe, ou la Roumanie ont également reculé. Le
décrochage de la Chine est encore plus marqué en Europe avec un recul de
9 % des importations, ajoute-t-on à l'Institut français de la mode
(IFM).
Les raisons du recul du textile chinois sont diverses. La
demande intérieure, qui incite les usines à travailler pour des marques
et distributeurs locaux, explose, au détriment des marques
internationales. L'inflation et l'appréciation du yuan n'arrangent rien,
rendant la confection moins compétitive. Seule la productivité ne cesse
de progresser.
Mais les salaires chinois, qui grimpent en flèche
(+ 181 % depuis 2004!), sont les plus coupables. Après avoir augmenté de
25 % en 2012, ceux du textile progresseront encore de 20 % cette année.
Déjà,
dans les provinces les mieux loties, le salaire minimal équivaut à
celui des Roumains ou des Bulgares. C'est une des raisons pour
lesquelles bien des marques occidentales transfèrent une partie de leur
production vers l'Europe de l'Est, parfois plus rentable si on inclut le
coût du transport: les importations françaises ont augmenté de 2 % en
Bulgarie et de 22 % en Pologne. Des pays proches, à même d'alimenter
plus efficacement le renouvellement accéléré des collections, selon
l'incontournable Fast Fashion popularisée par l'espagnol Zara (Inditex).
Les
importations françaises d'Espagne ont d'ailleurs gagné 3,54 %. La
relocalisation est plus à l'ordre du jour en Europe qu'en France. Le
«made in France» a reculé de 6,81 % en valeur en 2012.
Bien
entendu, l'empire du Milieu reste le premier exportateur de textile au
monde. Mais il n'a pas fini de perdre du terrain. Au profit d'une
multitude d'autres pays tels le Vietnam, le Cambodge ou l'Indonésie, où
les salaires sont inférieurs. Ils entrent ainsi en concurrence avec le
Bangladesh, toujours moins cher que la Chine, mais en pleine
revendication salariale.
Les achats dans d'autres pays d'Asie
(Indonésie, Cambodge, Sri Lanka) ont progressé, si bien que la part de
marché de l'Asie dans les importations a un peu augmenté en France et
s'est stabilisée en Europe.
À l'inverse, les importations
françaises depuis le Bangladesh ont légèrement reculé, alors que les
européennes augmentaient de 9 % en 2012. «Le Bangladesh est devenu le
deuxième fournisseur de l'Europe après la Chine, dépassant la Turquie»,
précise Gildas Minvielle,
de l'IFM. Malgré les émeutes pour l'amélioration des salaires au
Bangladesh, il n'a donc pas dit son dernier mot. Il est très dépendant
du textile. «77 % des exportations du Bangladesh se concentrent dans ce
secteur», rappelle Anne-Laure Linget. C'est loin d'être le cas en Chine,
où la baisse des importations occidentales du «made in China» n'est pas
un souci.
La demande intérieure, friande de «made in China» pour
le moyen de gamme plus que pour le luxe, compense la baisse des
exportations. Quant aux jeunes ouvriers, «dont les parents ont respiré
teintures ou particules nocives, ils préfèrent, raconte une consultante,
assembler des smartphones plutôt que des robes, cela les valorise plus
vis-à-vis de leurs amis».
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