Bernard Thibault au côté de Nadine Prigent.
Le patron de la CGT a proposé Nadine Prigent qui est loin de faire consensus. Un choix qui peut être rejeté la semaine prochaine.
Bernard Thibault a fini par trancher. Selon plusieurs sources de presse, le secrétaire général de la CGT a proposé ce matin aux membres de la commission exécutive, le parlement du syndicat, le nom de Nadine Prigent pour lui succéder en mars prochain à la tête de la centrale.
Le syndicaliste pousse ardemment depuis plusieurs semaines la candidature de cette ex-infirmière de 54 ans qui a dirigé la fédération de la santé et fait partie de sa garde rapprochée. Il est en effet convaincu qu'une femme doit lui succéder (un vent de modernité allant dans le sens de l'histoire) et a fini par écarter de la course, après plusieurs semaines de tergiversations, une autre de ses proches, Agnès Naton, la patronne de l'organe interne de propagande La Vie ouvrière, jugée trop fragile pour le poste.
Le choix de Nadine Prigent, arrêté après un tour de France de consultation, doit encore être validé la semaine prochaine par le comité confédéral national (CCN). Or il est loin de faire consensus, la majorité des fédérations et des unions territoriales (qui composent le CCN) plaidant pour la candidature d'Éric Aubin, 50 ans cette année, le «M. Retraites» de la centrale et le patron de la fédération construction.
Il n'est donc pas improbable que le CCN retoque jeudi prochain le choix de Bernard Thibault, comme il l'avait fait en 2005 lorsque le secrétaire général de la CGT avait demandé que sa centrale ne donne pas de consigne de vote au sujet du référendum sur la constitution européenne. En cas de nouveau désaveu (Bernard Thibault se méfie du CCN depuis cette date et a tout fait pour le court-circuiter), la CGT pourrait entrer dans une phase aiguë de turbulences pendant neuf mois. Avec une bataille des chefs qui laisserait des traces.
Jugée «rigide et autoritaire» par ses détracteurs:
Les deux postulants au poste suprême sont très différents (elle vient du public et lui du privé, tout un symbole!) et ne défendent pas, surtout, la même vision du syndicalisme. Le choix du futur leader de la CGT est donc tout sauf anodin. Nadine Prigent, considérée comme une «dure» en interne, est plutôt conservatrice et milite pour un raidissement de la ligne politique de la CGT. Proche du Parti communiste et du Parti de gauche, elle prône un recentrage de la centrale sur ses fondamentaux, à savoir le retour à un syndicalisme d'opposition plus net et plus franc.Chouchoute de Bernard Thibault, elle est sortie de l'ombre ces deux dernières années en représentant la CGT dans les réunions intersyndicales. Jugée «rigide et autoritaire» par ses détracteurs, beaucoup en interne ne la voient pas prendre les rênes de l'organisation, surtout au moment où la gauche est revenue au pouvoir et où les relations avec l'exécutif risquent de se tendre. Elle est également peu appréciée des autres organisations syndicales. Mais c'est une femme et elle est soutenue par le grand chef sortant…
Mode de gouvernance très centralisé:
Éric Aubin est, à l'inverse, considéré comme un moderniste, un homme d'ouverture plus en phase avec la ligne mise en œuvre depuis 1999 par Bernard Thibault. Marié, trois enfants et deux fois grand-père, il est électronicien et encarté à la CGT depuis 1982. Originaire du Havre - il y habite toujours dans une maison en kit qu'il a lui-même montée -, il a intégré l'échelon confédéral en 1996 à la demande de Louis Viannet, le prédécesseur de Bernard Thibault. Il a longtemps suivi le dossier de l'emploi et a pris en charge la question des retraites en 2009, lors du départ de Jean-Christophe Le Duigou (qui lui voue une haine farouche et est l'un des artisans de la cabale actuelle contre lui).Fin négociateur, il a rétabli au sein de la branche de la construction un dialogue social de qualité et s'entend bien avec son dirigeant, Patrick Bernasconi, qui est également l'un des chefs de file des négociations sociales du Medef. Cet adepte de camping-car est très critique sur la ligne de fermeture imposée par Bernard Thibault depuis deux ans et ne se gêne pas pour contester le mode de gouvernance très centralisé à la tête de la CGT. Et notamment l'engagement très clair pris pendant la campagne, non pas contre Nicolas Sarkozy, mais pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle et François Hollande au second.
Pour lui, le premier syndicat de France doit être autant une force de propositions qu'un instrument d'opposition. Il l'a d'ailleurs promis: s'il est désigné en mars prochain pour conduire aux destinées de la CGT, il reverra de fond en comble la gouvernance de la centrale de Montreuil…
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