Après une nouvelle hausse en 2011, les prix des matières premières devraient rester élevés cette année dans un environnement particulièrement volatil. «Nous sommes à des niveaux historiquement très élevés, pratiquement au même niveau qu’au printemps 2008, commente Philippe Chalmin, professeur à l’université Paris-Dauphine et coordinateur de Cyclope, le rapport annuel sur les marchés mondiaux, publié ce mercredi. Cela concerne aussi bien le pétrole que l’ensemble des produits agricoles, comme le soja, le blé ou le maïs, sans oublier les minerais et les métaux, qu’il s’agisse du cuivre, du fer et de l’acier, poursuit-il. Et tout cela dans un climat d’extrême instabilité sur les marchés mondiaux de ressources naturelles.»
Pourquoi une telle situation? Trois raisons l’expliquent: deux structurelles et une conjoncturelle. Tout d’abord, l’absence de gouvernance au niveau mondial. «Jamais le monde n’a été aussi loin de quelque gouvernance internationale que ce soit. Il n’y a pas de pilote dans l’avion. Cela s’est aggravé en 2011», constate Philippe Chalmin. Il prend pour exemple l’échec d’un certain nombre de négociations internationales l’an dernier, comme les «très faibles résultats du G20, l’échec et la panne totale de Doha, le quasi-échec de la conférence climatique de Durban». Deuxième explication structurelle: le manque d’investissements productifs qui a caractérisé les marchés à la fin du XXe et au début du XXIe siècle. «Le temps de la production est un temps long. Il faut de quinze à vingt ans pour développer de nouvelles mines, de nouveaux champs pétroliers, de nouvelles molécules agricoles. Ce qui n’a pas été fait pendant les deux dernières décennies», déplore l’économiste.
Les grands vins de Bordeaux touchés:
Enfin, la troisième raison est d’ordre conjoncturelle. «Une planète qui continue à croître de 3,5 % par an débouche sur une demande accrue en termes d’énergie, de produits agricoles, de minerais et métaux ou de coton», indique Philippe Chalmin. Avec une locomotive, la Chine, deuxième puissance économique mondiale. «Les doutes sur la croissance chinoise pèsent sur la conjoncture mondiale. Entre 7 ou 9 % de hausse de PIB prévue en 2012, nous avons de grosses incertitudes pour un certain nombre de marchés de produits industriels ou agricoles.» Les répercussions touchent même, de façon inattendue, le marché des grands vins de Bordeaux. «La demande chinoise avait soutenu le marché jusqu’à l’épisode des primeurs de 2011 ayant atteint des prix stratosphériques. La conjoncture actuelle, un peu plus faible, ainsi qu’un millésime de moins bonne qualité se répercutent sur les prix.» Un exemple: la bouteille de Lafitte, qui valait quasiment 700 euros l’année dernière, n’est plus qu’à 350 euros cette année. «À ce prix-là, c’est presque un cadeau», ironise Philippe Chalmin.Reste que dans ce contexte incertain, les valeurs refuges comme l’or sont au plus haut. «2011 a été la onzième année de hausse consécutive du prix de l’or: le métal jaune a frôlé les 2000 dollars l’once, début septembre, un record historique, très fortement porté par l’Inde et la Chine, les inquiétudes des investisseurs au sujet de la dette européenne, le ralentissement économique aux États-Unis et les troubles géopolitiques», conclut Philippe Chalmin.
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