Paris a commencé à combattre les multinationales du commerce en ligne par ses propres moyens.
Pendant des années, les gouvernements français prêchaient dans le désert sur l'évasion fiscale. La crise financière
de 2008 a changé la donne. Tout comme la révélation du peu d'impôts
payé par les géants d'Internet. La France a désormais des alliés au sein
des pays développés pour lutter contre les paradis fiscaux et les
montages optimisant des grands groupes.
Reste que les négociations internationales prennent du temps. L'État
français a donc commencé à combattre avec ses propres moyens. D'abord
en lançant ses limiers du fisc aux trousses des multinationales du Web.
Le fisc réclamerait 1 milliard d'euros à Google et 250 millions à Amazon ; eBay
ferait aussi l'objet d'une enquête. Le fisc français veut démontrer que
ces entreprises doivent enregistrer leur activité en France et pas en
Irlande, au Luxembourg ou en Suisse.
Cette bataille autour de la
matière fiscale concerne aussi l'économie traditionnelle. «Le fisc a des
spécialistes des prix de transfert. Ce sujet est systématiquement
regardé lorsqu'une grande entreprise est contrôlée», témoigne Vincent
Renoux, avocat associé chez Stehlin et Associés. De fait, en fixant les
prix des biens et services échangés entre les filiales des différents
pays, les groupes peuvent optimiser leurs impôts. Les redressements sur
les prix de transfert atteignent environ 2 milliards par an en France.
«Comme la notion de juste prix est assez floue, le fisc peut toujours
produire une analyse divergente de celle de l'entreprise. En général, la
société préfère négocier un redressement plutôt que d'aller au conflit.
Tout cela est très rentable pour le fisc», estime un fiscaliste.
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Réglementation déjà durcie:
Une
analyse que ne partage pas Vincent Drezet, secrétaire général de
Solidaires finances publiques: «Cinq contrôles font la moitié des deux
milliards de recettes. Ce qui montre qu'il y a de la marge. Il nous
faudrait davantage de spécialistes car les montages sont de plus en plus
sophistiqués.»
Bercy est plutôt sur cette ligne. Et ce, même si
la réglementation a déjà été durcie en 2010 (documentation obligatoire
sur les prix de transferts pour les grandes entreprises), puis en 2012
(renversement de la charge de la preuve pour les activités dans les
paradis fiscaux). Un rapport sur les prix de transfert a été commandé à
l'Inspection générale des finances. Et le ministère s'apprête à lancer
des consultations, en vue de rendre plus efficaces dès 2014 les
contrôles sur le sujet. Plusieurs points, très techniques, seront
analysés: inscription dans la loi de règles plus précises, accès à la
comptabilité analytique lors d'un contrôle, etc.
La France est
aussi en pointe sur la fiscalité numérique. À la suite du rapport Collin
et Collin, le gouvernement réfléchit à une taxe sur les données, qui
frapperait tous les grands sites ayant une activité en France. Cet impôt
pourrait être en vigueur en 2014 ou 2015. Et serait une première
mondiale. Bercy compte transmettre ses travaux à l'OCDE, afin de faire
rayonner son idée de localisation et taxation sur les données. Le succès
de la TVA, inventée en France en 1954 puis reprise partout dans le
monde, va-t-il se rééditer?
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