Dans les galeries bétonnées du laboratoire souterrain, à Bure.
Le débat public, préalable au creusement du futur site de stockage profond des déchets les plus radioactifs, à Bure, dans la Meuse, est lancé cette semaine. Un projet chiffré entre 15 et 35 milliards d'euros.
Le chantier pharaonique, de très très longue haleine, du site de
stockage profond des déchets les plus radioactifs va franchir une étape
supplémentaire cette semaine. La ministre de l'Écologie se rend ce lundi
à Bure pour présider une réunion sur le développement économique de la
zone choisie pour accueillir cet équipement hors norme, à cheval sur la
Meuse et la Haute-Marne. Delphine Batho visitera
à cette occasion le laboratoire souterrain où sont menées depuis huit
ans des expériences pour tester la capacité de la couche d'argile, à
500 mètres sous terre, à confiner des substances radioactives pendant
des millions d'années.
La ministre sera accueillie de pied ferme
par un rassemblement des opposants à la «poubelle nucléaire» regroupés
notamment au sein du Cedra (Collectif contre l'enfouissement des déchets
radioactifs). Mercredi, la Commission nationale du débat public (CNDP)
doit donner le coup d'envoi du débat sur le futur site de stockage.
«Débat bidon», dénonce le Cedra, dont les militants sont convaincus que
la décision d'enfouir les déchets radioactifs ne sera pas remise en
cause.
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De fait, l'enfouissement profond est la solution retenue par la loi du 28 juin 2006 pour stocker les déchets. À l'issue du débat public, procédure légalement obligatoire, prévu pour durer quatre mois, l'Andra
(Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) entamera la
longue course d'obstacles de la demande d'autorisation de création du
site, baptisé Cigéo.
Le premier coup de pioche est attendu en
2019, à une poignée de kilomètres du laboratoire actuel. La loi avait
prévu que Cigéo serait distinct du labo - une façon, à la fin des années
1990, de convaincre les riverains que l'implantation du site
expérimental ne signifiait pas automatiquement celle de la «poubelle
nucléaire» à proximité. Seulement, la zone du petit village de Bure
offre à l'État la meilleure combinaison d'une géologie adaptée et d'une
acceptation des élus dont chaque département bénéficie d'un «fonds
d'accompagnement» annuel de 30 millions d'euros.
2000 personnes pour la phase de construction:
La première phase de construction devrait employer 2000 personnes, jusqu'en 2025.
S'ouvrira
alors la période de remplissage qui durera un siècle, au rythme lent de
5 à 10 colis par jour, explique Thibaud Labalette, le directeur des
programmes de l'Andra. Car les colis manipulés seront lourds (voir
infographie) et dangereux. Les déchets les plus radioactifs émettent une
dose mortelle en une poignée d'heures que leur emballage n'arrête ni
totalement ni pour une durée illimitée.
Combien coûtera Cigéo? Le
seul chiffre avancé officiellement par l'Andra est de 15 milliards
d'euros. Il comprend le creusement plus l'exploitation pendant cent ans.
La loi de 2006 a prévu le provisionnement de cette somme via une taxe
sur les installations nucléaires que paient EDF, le CEA et Areva.
Seulement ce chiffre date de 2005 et est en cours de réévaluation.
Chaque
choix technique ou architectural peut faire varier le devis de dizaines
de millions d'euros. Les discussions furent d'ailleurs musclées en
2010, entre EDF, le principal payeur jugeant le projet trop onéreux, et
l'Andra, le maître d'œuvre et futur exploitant. Dans son rapport sur le
nucléaire publié il y a un an, la Cour des comptes avait pris une
fourchette large montant jusqu'à 35 milliards d'euros. Le prochain
chiffrage officiel sera publié à l'issue du débat public, fin 2013.
Le
tombeau des déchets nucléaires sera-t-il scellé à jamais? La loi de
2006 a prévu que le site devra être réversible pendant cent ans,
c'est-à-dire que dans ce délai, les colis radioactifs devront être
récupérables dans des conditions techniques et économiques raisonnables.
La réversibilité, son sens, son coût figureront parmi les questions
débattues au cours des prochains mois.
30 piscines olympiques de déchets très radioactifs:
Les
déchets radioactifs destinés à être enfouis dans Cigéo sont ceux dits
de haute activité à vie longue (HA-VL) et de moyenne activité à vie
longue (MA-VL). Ils ne représentent que 3 % du volume de l'ensemble de
tous les déchets radioactifs recensés en France, mais 99 % de leur
radioactivité. Le centre de stockage renfermera 240.000 colis répartis
entre 10.000 m3 de déchets HA-VL et 70.000 m3 de déchets MA-VL qui
seront produits jusqu'au démantèlement des centrales nucléaires
actuelles. Soit un volume équivalent à une trentaine de piscines
olympiques qui ne compte pas les emballages en béton. 3.000 m3 de HA-VL
et 40.000 m3 de MA-VL existent déjà. Ces déchets sont essentiellement
issus de la part des combustibles usés des centrales d'EDF qui n'est
pas recyclée. On y trouve par exemple de l'uranium 235 qui met
700 millions d'années à perdre la moitié de sa radioactivité ou le
chlore 36 qui met 301.000 ans. Les déchets les plus radioactifs sont
conditionnés dans une pâte de verre (ils sont vitrifiés). Ils sont
actuellement entreposés dans les usines de La Hague, de Marcoule et
Cadarache où ils refroidissent. Selon les choix des gouvernements
successifs sur la durée de vie des centrales nucléaires et le recyclage
du combustible, le volume des déchets à stocker variera. Le temps du
démantèlement et du refroidissement des déchets donne à l'Andra des
décennies pour creuser, le cas échéant, des galeries supplémentaires.
Qu'il faudra cependant financer.
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