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mardi 19 janvier 2010

Internet : le déploiement du très haut débit se heurte aux réticences des opérateurs.


Le premier ministre, François Fillon, l'a promis, lundi 18 janvier, lors d'un déplacement dans les locaux de l'éditeur de logiciels Dassault Systèmes, à Vélizy (Yvelines) : cette fois, "c'est le véritable top départ à grande échelle du déploiement de la fibre (optique) dans notre pays".
L'Internet à très haut débit (dix fois plus rapide que la technologie ADSL) va-t-il enfin être accessible rapidement au plus grand nombre ? A ce stade, rien n'est moins sûr.
Cela fait déjà trois ans que les opérateurs privés ont annoncé leur volonté d'investir dans ce réseau de télécommunications fixe "du futur", pour amener la fibre optique jusqu'aux logements des abonnés. Concrètement, seules 255 000 personnes, sur Paris et dans quelques métropoles régionales, y avaient été raccordées à la fin du troisième trimestre 2009, selon l'Arcep, le régulateur français du marché des télécommunications.
Il aura fallu dix-huit mois et beaucoup d'énergie à ce dernier pour parvenir à mettre d'accord France Télécom, SFR, Bouygues Telecom, Iliad et Numericable, et établir un "cadre réglementaire" de déploiement de la fibre optique dans les zones les plus denses, pourtant les plus rentables a priori. Ce texte a été publié au Journal officiel du dimanche 17 janvier.
Les opérateurs de télécommunications devaient accepter le principe d'un partage des investissements et des infrastructures, alors qu'ils se livrent par ailleurs une concurrence très rude sur les marchés de l'accès à l'ADSL et du téléphone mobile.
Sachant que, sur le marché de l'accès à Internet, ce qui a compliqué considérablement la donne pour l'Arcep, c'est qu'il a fallu tenir compte d'un déséquilibre fondamental entre les acteurs en présence. D'un côté, France Télécom, privatisé à partir de la fin des années 1990, propriétaire du seul réseau de télécommunications fixe d'envergure nationale. Et les autres qui, hormis Numericable (héritier du réseau câblé hexagonal), sont obligés de lui payer un droit de passage sur ses infrastructures.
L'Arcep, garant du bon fonctionnement de la concurrence, devait éviter deux écueils. Pour déployer le "très haut débit", il suffit à France Télécom de remplacer les parties terminales de son réseau actuel (les quelques centaines de mètres séparant les centraux téléphoniques des abonnés), encore en cuivre, par de la fibre. Le groupe aurait pu, si l'Arcep l'avait laissé faire, reconstituer à cette occasion son monopole. Et ne laisser aucune chance à ses concurrents de se constituer leur propre réseau.
Mais ces derniers auraient pu être tentés par la stratégie du "coucou" : laisser France Télécom investir, puis se greffer sur ses tuyaux à moindre coût pour lancer leurs offres commerciales.
Les opérateurs ont aujourd'hui un mois, à compter de la publication au Journal officiel du cadre réglementaire, pour proposer à leurs concurrents des offres tarifaires d'accès à leurs réseaux respectifs.Mais pour que tous les habitants des zones"denses" (environ 5 millions de Français dans l'Hexagone), se voient rapidement proposer une offre, il faut encore que les opérateurs passent le barrage des copropriétés. Ce qui n'est pas gagné : beaucoup restent échaudées par le plan "câble", dans les années 1980 : à l'époque, l'Etat avait décidé d'un équipement des immeubles sans concertation.
Par ailleurs, pas sûr qu'en assemblée générale, les co-propriétaires perçoivent d'emblée l'avantage du passage au "très haut débit". De fait, pour l'heure, non seulement la plupart des abonnés à l'ADSL trouvent le niveau du débit suffisant pour leurs usages. Mais en plus, opérateurs et gouvernement restent assez vagues : le très haut débit permettra de télécharger des films en quelques minutes à peine, de faire plusieurs tâches simultanément (envoyer un fichier très lourd, écouter de la musique en"streaming"…). Chez Iliad, on estime que l'objectif de couverture de 4 millions de prises raccordées, en 2012 sera tenu.
Mais que dire de la zone 2, "moyennement dense" (10 millions de foyers raccordables), sans parler de la zone 3, 5 millions de foyers concernés, déjà en partie laissée pour compte par le déploiement de l'ADSL ? Certes, et c'est important, le gouvernement a répété à plusieurs reprises que de l'argent public serait investi, en plus des investissements privés. Quelque 2 milliards d'euros au titre du grand emprunt vont être consacrés au déploiement dans ces zones.
Mais pour l'instant, les modalités de ces financementsn'ont pas encore été définies. M. Fillon a juste précisé qu'il s'agissait de financer des appels à projets. Des consultations publiques vont être lancées. Il va falloir, comme pour la zone 1, parvenir à nouveau à mettre d'accord les opérateurs. Un accord de co-investissement vient d'être signé par SFR et France Télécom, mais pour l'instant il ne concerne que les villes de Palaiseau (91) et Bondy (93).
Mais, il faudra surtout les convaincre de prendre un risque financier dans des zones qu'ils ne jugent pas rentables. Les 2 milliards d'euros censés venir en appui à leurs investissements y suffiront-ils ? Chez France Télécom, le déploiement d'un réseau national est évalué entre 20 et 40 milliards d'euros… Les collectivités territoriales devront forcément mettre la main au porte-monnaie. "Connecter tout le monde y compris dans la zone trois, c'est quand même un peu du discours politique", glisse le dirigeant d'un opérateur.

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