Le premier round à Berlin. Dans la grande foire aux emplois qui agite périodiquement l'Union européenne, l'Allemagne vient de manoeuvrer avec talent pour installer son candidat en tête de la course à la succession de Jean-Claude Trichet. Le mandat de ce dernier à la tête de la Banque centrale européenne (BCE) expire en novembre 2011.
Axel Weber, actuellement président de la Bundesbank (la banque centrale allemande), est désormais le favori pour succéder au Français - à condition que Vitor Constancio, le président de la banque centrale du Portugal, devienne lui-même... vice-président de la BCE en février.
Ce genre de "billard à plusieurs bandes", fait de marchandages, de fuites organisées et de campagnes d'opinion subreptices et parfois vicieuses, est une des "beautés" de l'Europe. L'une des règles officieuses de la BCE est que l'influence des "faucons" - concentrés sur la mission originelle de l'institution, la lutte contre l'inflation - soit contrebalancée par celle des "colombes", qui aimeraient que d'autres indicateurs économiques soient pris en compte dans la politique monétaire.
La distinction repose sur une réalité, mais fait parfois l'objet d'une présentation caricaturale : les discussions et les échanges d'arguments au sein de la BCE sont évidemment plus subtils - il faut en tout cas l'espérer. Mais une autre règle officieuse veut que l'équilibre des pouvoirs en son sein soit aussi géographique, que l'influence des petits pays contrebalance celle des grands, et le poids des pays du "Sud" celui de ceux du "Nord".
C'est la raison pour laquelle le problème de la vice-présidence est crucial, avant celle de la présidence. Berlin avait commencé par indiquer vouloir soutenir, pour ce poste de numéro deux, la candidature du président de la banque centrale du Luxembourg, Yves Mersch - il passe pour un faucon. Paris, du coup, semblait pencher pour le candidat portugais, considéré comme une colombe.
Mais c'est en fait ce que l'Allemagne souhaitait depuis le début. Car le principal adversaire de M. Weber pour la présidence de la BCE est en fait Mario Draghi, le gouverneur de la Banque d'Italie, que le clan des faucons essaie de faire passer... pour une colombe.
Si M. Constancio accédait à la vice-présidence - les ministres de la zone euro se prononceront sur le sujet le 15 février -, le chemin de M. Weber s'en trouverait d'un coup dégagé.
Au-delà de cet échange de noms d'oiseaux, il est un domaine où la BCE ne change pas. A la tête de l'institution, M. Trichet a mis en oeuvre l'une des politiques monétaires les plus strictes du monde industriel - ce qui lui a valu sa part de critiques. Le choix de son probable successeur - M. Weber donc - montre que les faucons restent aux commandes quelle que soit l'attention qu'ils peuvent accessoirement porter aux arguments des colombes.
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