Des employés de l'entreprise Cacharel manifestent devant une boutique de l'enseigne dans le centre-ville d'Avignon, le 23 avril 2009, pour protester contre le licenciement annoncé de 102 personnes au sein de la société.
Heurts et malheurs. Rarement une marque de prêt-à-porter a connu un tel engouement, puis un tel déclin. Cacharel, symbole d'une mode tendance dans les années 1960-1970 pour ses chemisiers en crépon, ses robes romantiques en liberty très "flower power" ou son parfum pour jeunes filles Anaïs Anaïs, s'est considérablement étiolé.
C'en est bien fini des sixties florissantes - marquées, en 1969, par la remise à Jean Bousquet, président-fondateur du groupe, de l'Oscar de l'exportation par Valéry Giscard d'Estaing, alors ministre des finances. Premier exportateur du secteur de l'habillement en France en 1977, Cacharel est aujourd'hui au bord du gouffre. De plans sociaux en plans sociaux, cette marque créée en 1958 par Jean Bousquet - qui fut aussi le très dispendieux maire UDF de Nîmes (1983-1995) - survit avec un effectif miniaturisé.
Au temps de sa splendeur, Cacharel comptait cinq usines de production, dans le Gard et à Fréjus (Var), employant près de 1 500 personnes. La dernière a fermé en 1999 et toute la production est délocalisée en Pologne, au Portugal et en Chine. Il ne reste plus que 130 employés dans le groupe, dont 105 en attente de la mise en place du dernier plan social.
L'ultime site nîmois, chargé de l'administration et de la logistique, doit fermer ses portes. "On est au courant depuis le 12 février 2009, mais il n'y a toujours pas de quoi financer le plan de départs", explique Eliane Casino, secrétaire du comité d'entreprise. Un sursis éprouvant pour les salariés, dont beaucoup ont plus de trente ans de maison. "Il n'y a pas d'emplois de ce type à Nîmes, ce sera vraiment difficile de se recaser d'autant que le secteur et la région sont sinistrés", dit-elle.
"Nous n'allons garder que 25 personnes - l'équipe de design - dans le siège parisien : c'est la seule solution", affirme M. Bousquet, qui détient 80 % du capital du groupe, les 20 % restants étant aux mains de Rothschild Luxembourg.
Révolutions de palais:
Avec plus de 20 millions d'euros de déficit cumulé (hors éléments exceptionnels) depuis huit ans, selon le site spécialisé fashionmag.com, Cacharel a perdu 3,3 millions d'euros en 2009, auxquels s'ajoutent 5,3 millions nécessaires à la mise en place du plan social. Selon M. Bousquet, un mandat a été donné à Arkéon Finances, spécialisée dans le financement des PME, pour lever 10 millions d'euros d'ici à la fin février. Et permettre l'élaboration du plan par un recours au crédit, puisque le PDG se refuse catégoriquement à ouvrir le capital. Pour relancer la marque - il n'existe plus qu'une seule boutique à Avignon -, le groupe a signé un accord de licence avec l'italien Aeffe, désormais en charge de la fabrication et de la distribution des vêtements. "Ce sera Aeffe qui ouvrira de nouvelles boutiques", espère M. Bousquet.
Cacharel a connu bon nombre de révolutions de palais. A 77 ans, M. Bousquet ne cache pas qu'il cherche, après une première vraie-fausse sortie, à passer la main. Ce n'est pas joué. Trois directeurs généraux se sont succédé en deux ans. Et autant de designers depuis le début de la décennie : au tandem Clements Ribeiro - qui a dessiné les collections printemps-été 2001 présentées après vingt ans d'absence de la marque -, a suivi le duo de stylistes britanniques Eley Kishimoto. C'est Cédric Charlier, un trentenaire formé à l'école de La Cambre (Belgique), ancien bras droit d'Alber Elbaz chez Lanvin, qui a repris le flambeau en mars 2009 et doit redonner du lustre à la marque.
En revanche, les parfums ont mieux traversé les années. Créé en 1978, Anaïs Anaïs - l'un des parfums les plus vendus au monde dans les années 1980 - figure encore dans le palmarès des vingt fragrances les plus achetées au Royaume-Uni et en Espagne. Parmi la quinzaine de parfums Cacharel créés sous licence avec L'Oréal depuis trente ans, Loulou, Noa et Amor Amor se sont imposés commercialement. En 2009, Cacharel était encore la 8e marque de parfums féminins en Europe.
Le PDG se souvient avoir bataillé ferme pendant plus de deux ans pour imposer à L'Oréal la photographe Sarah Moon pour le lancement de leur première fragrance. C'est ce qui a évité au groupe de disparaître.
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