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vendredi 15 janvier 2010

«Le résultat d'actions commises par des hommes».

La Commission d'enquête américaine sur la crise financière a entendu les patrons des quatre banques américaines. But implicite de cette audition publique : mettre ces dirigeants devant leurs responsabilités

Lloyd Blankfein aura connu des moments plus agréables à Washington. Le patron de Goldman Sachs a été de loin le plus questionné et le plus bousculé des quatre dirigeants de banques convoqués mercredi par la commission d'enquête sur la crise financière. Son établissement est le plus riche de Wall Street. Il était l'homme le mieux payé de sa profession juste avant l'éclatement de la crise. Ces caractéristiques, qui forçaient le respect il y a encore deux ans, lui valent aujourd'hui d'être devenu la cible favorite de la colère des Américains et de leurs élus.
«On dirait que vous êtes un peu comme un garagiste qui vend une voiture avec des freins défectueux et qui, ensuite, prend une assurance-vie sur l'acheteur du véhicule», lui a lancé Philip Angelides, le président de la commission de dix membres nommés par le Congrès. Ce démocrate de 56 ans, ancien trésorier de l'État de Californie, faisait allusion à la vente par Goldman Sachs à des investisseurs de titres gagés sur des créances à haut risque, alors que dans le même temps la banque s'est enrichie en spéculant sur leur dépréciation.
«Ceux qui investissaient dans ces titres étaient des professionnels désireux d'être exposés à ce risque», a tenté de répondre un Blankfein combatif et sincère. «Oui… des fonds de pension qui gèrent la retraite de policiers et de pompiers», a riposté immédiatement Angelides, candidat malheureux au poste de gouverneur de Californie.
Lloyd Blankfein ne pouvait sortir gagnant face aux dix commissaires chargés de rédiger d'ici à décembre un rapport sur les causes de la crise et les leçons qu'il faut en tirer. Le but implicite de cette audition publique de trois heures et demie était aussi de donner les patrons des banques en pâture.
«Une crise financière tous les cinq à dix ans»
«Cette crise est comme un ouragan qui se produit tous les cent ans», a voulu expliquer Blankfein. L'image était mal choisie : «Ne parlez pas d'actes de Dieu. La crise est le résultat d'actions commises par des hommes et des femmes», a sèchement rappelé Angelides.
John Mack, patron de Morgan Stanley, institution rivale de Goldman Sachs, n'a pas subi un traitement aussi dur. Plus calme, moins défensif et prenant plus de distance par rapport aux causes de la crise, Mack a bien résumé le problème : «Beaucoup de banques étaient trop endettées. Elles ont pris trop de risques. Elles n'avaient pas de ressources suffisantes pour gérer ces risques avec efficacité dans un environnement qui changeait rapidement… La crise financière a aussi révélé clairement que les régulateurs n'avaient tout simplement pas la visibilité, les outils ou l'autorité de protéger la stabilité du système financier.» C'est le meilleur mea culpa qu'un patron de Wall Street puisse prononcer.
Jamie Dimon, patron de JPMorgan Chase, a pour sa part réussi à concilier sa fierté évidente de diriger la seule grande banque à ne pas avoir affiché de pertes trimestrielles durant cette crise avec un certain fatalisme : «Dans les affaires, même quand on fait tout sans se tromper, il y a des choses qui déraillent… D'ailleurs, comme je l'expliquais à ma fille, qui est à l'école, les crises financières se produisent tous les cinq à dix ans.»
Une des meilleures prestations devant la commission aura été celle de Michael Mayo, de Calyon Securities. Libre de s'exprimer sans crainte, cet analyste vedette de la filiale du Crédit agricole a comblé son auditoire en expliquant : «La profession bancaire était dopée aux stéroïdes… Des instruments financiers créés par les banques d'investissement ont amplifié l'effet de levier de l'endettement de manière sans précédent… Ces produits exotiques étaient si complexes que même les PDG, les administrateurs et les auditeurs n'appréhendaient pas pleinement leurs risques.» En un mot Wall Street a joué aux apprentis sorciers.

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