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lundi 14 juin 2010

«Les femmes n'osent pas faire des carrières scientifiques».

Mots clés : Femmes, Sciences, Informatique, CNRS, PARISTech.

La chercheuse Julia Kempe contribue au développement des 
ordinateurs du futur.
La chercheuse Julia Kempe contribue au développement des ordinateurs du futur.
 
Pour Julia Kempe, chercheuse au CNRS et élue Femme en Or 2010 cette semaine, les femmes s'interdisent trop souvent de se lancer dans les métiers scientifiques, pourtant vecteurs de «liberté et de plaisir».

Elle a un CV de douze pages, parle six langues et ses connaissances sont compilées dans deux thèses. A 36 ans, Julia Kempe, fraîchement promue Femme en Or 2010 dans le domaine de la recherche lundi dernier, incarne le visage encore trop méconnu de la science au féminin.
Son «profil atypique» a retenu l'attention du jury qui «s'étonnait que l'on n'ait pas plus parlé d'une scientifique qui a quand même reçu le prix Irène Joliot-Curie en 2006». Le Trophée de la femme en or est donc autant une «consécration» pour ses travaux menés en informatique qu'un «coup de pouce» pour aider l'ascension professionnelle de la scientifique, explique-t-on du côté des organisateurs.
Le gène des maths, Julia Kempe le porte dans son ADN depuis toute petite. Pour cette Berlinoise aux trois nationalités française, allemande et israélienne -, l'héritage familial a été déterminant. Ses parents scientifiques ont largement balisé son terrain de jeux numériques : «Je leur demandais souvent d'imaginer des puzzles mathématiques pour que je puisse les résoudre», se souvient-elle. La méthode marche puisqu'elle rafle tous les concours de logique pendant ses années de collège et lycée, qu'elle passe en ex-RDA.

«Une question de caractère»:
Quoi de plus naturel, avec de telles prédispositions, que de s'engager dans des études de maths et de physique ? Sur les bancs de l'Université de Vienne, en Autriche, elle dit avoir côtoyé «un pays traditionnel où les filles sont moins encouragées à étudier les sciences qu'en France.» Au cours de sa carrière, sa condition de femme ne lui a pourtant jamais porté préjudice. Si les profils féminins ne sont pas légion en sciences, c'est aussi «une question de caractère», insiste-t-elle. «Elles n'osent pas, parce que la recherche a la réputation d'être très prenante, donc difficilement conciliable avec la vie de famille. Mais la science, c'est avant tout de la liberté et du plaisir, les femmes sont faites pour ça !», assure-t-elle. Avec le temps, une chercheuse peut même faire son miel de son statut de femme : «Nous sommes rares, alors on se souvient plus facilement de nous, on nous invite plus souvent aux congrès.»
Sa marotte depuis quinze ans : les calculs quantiques. Elle y a consacré deux thèses, réalisées en quatre ans pour le compte de l'Université Berkeley, aux Etats-Unis et l'école ParisTech. A terme, les algorithmes qu'elle développe pourraient permettre de concevoir les ordinateurs du futur, des machines quantiques très puissantes.
Ses contacts à l'Université de Berkeley lui auraient permis d'envisager une carrière outre-Atlantique, mais Julia Kempe ne fait pas partie de ces chercheurs attirés par l'eldorado américain. Depuis 2001, elle officie au laboratoire informatique d'Orsay, sous la houlette du CNRS, et elle y trouve son compte. Vantant «la grande liberté que cette maison donne aux chercheurs», elle apprécie ses horaires très souples, qui lui permettent de travailler la nuit lorsqu'elle «ne trouve pas d'idées le jour» et une obligation d'enseignement réduite a minima avec seulement trois heures de cours hebdomadaires. Une approche qui n'est pas celle des Etats-Unis, «qui fonctionne plus par objectifs» et où le quota d'heures d'enseignement est plus important. «Moi je voulais du temps pour mes recherches et puis la science fondamentale ne doit pas dépendre de plannings.»
Depuis quelques mois, Julia Kempe a cependant moins les mains libres : «J'attends un enfant pour le mois de septembre», confie-t-elle. Alors la future mère aménage son train de vie, reste un peu plus chez elle, correspond par email au lieu de se déplacer… La trentenaire a bien conscience qu'une naissance peut représenter un obstacle pour une carrière de scientifique : «Je l'ai vu chez des collègues qui ont eu un enfant juste après leur thèse.» Un moment critique selon elle, où le chercheur doit produire beaucoup d'efforts pour faire connaître son travail et gagner la reconnaissance de ses pairs. «Heureusement pour moi, je ne commence pas ma carrière», lâche-t-elle.

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