Un trader observe le tableau des cours dans une salle de Bourse, la semaine dernière.
François Hollande devra donner des gages de crédibilité à Bruxelles et aux marchés.
Dette, fiscalité, stratégie industrielle… C'est un quinquennat sous haute surveillance qui s'ouvre pour le nouveau président. Surveillance européenne d'abord: dans les prochains jours, Bruxelles publiera son jugement sur le programme de stabilité soumis en avril par le précédent gouvernement. Un rapport qui s'annonce plutôt sévère et pourrait être interprété comme un premier avertissement, craint-on dans l'équipe Hollande.
Surveillance des marchés financiers, ensuite: les investisseurs observeront de près le candidat qu'ils ont soupçonné durant la campagne d'être le moins à même de rétablir l'équilibre budgétaire. Quant aux agences de notation, elles ne se priveront pas de sévir à nouveau - pour l'instant, seule Standard & Poor's a ôté à la France son AAA - si elles ne jugent pas les engagements de François Hollande crédibles et s'il n'en donne pas des gages rapidement.
Pour l'heure, le nouveau président a inscrit dans son programme une prévision de 3 % de déficit public en 2013, conforme aux engagements déjà pris par la France. Mais il ne prévoit pas de retour à l'équilibre budgétaire avant 2017, alors que le gouvernement Fillon s'est engagé auprès de ses partenaires européens sur la date de 2016. Quant à la dette, elle passerait de 88,7 % du PIB en 2012 à 80,2 % en 2017. Des objectifs basés sur des prévisions de croissance qui apparaissent encore optimistes à ce stade (1,7 % en 2013, 2 % à 2,5 % ensuite). Autant dire que porter le discours sur l'économie et les finances publiques dans les mois à venir ne sera pas tâche facile pour le futur ministre de l'Économie.
Pour donner du crédit à son projet, François Hollande a insisté durant toute la campagne sur le fait que les mesures nouvelles de son programme - d'un montant de 20 milliards d'euros à l'horizon 2017 - seront financées par «des réductions de dépenses ou un financement spécifique». Il a par exemple indiqué que les 5 milliards d'euros consacrés à l'industrie et aux PME proviendront de «la diminution des avantages fiscaux accordés actuellement aux très grandes entreprises et au secteur financier».
Les 5 autres milliards d'euros destinés à soutenir l'emploi des jeunes seront dégagés des gains générés par la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Le leader socialiste, malgré sa promesse de 60.000 embauches dans l'Éducation nationale, a aussi assuré que les effectifs de la fonction publique demeureront à un niveau constant sur le quinquennat. Mais il n'a jamais précisé clairement comment il comptait maîtriser les dépenses de l'État, se contentant de promettre qu'elles ne progresseront pas de plus de 1 % par an… Ce qui avait permis à l'UMP, dès le début de la course à la présidentielle, de fustiger un projet davantage financé par des hausses d'impôts que par une réduction des dépenses.
«La gauche sérieuse»:
François Hollande a par ailleurs semé lui-même le doute sur l'état réel des finances publiques en indiquant, il y a quelques semaines, son intention de demander dès son entrée en fonction un audit à la Cour des comptes. En attendant ce document, qui devrait être élaboré rapidement, un moratoire sur certaines dépenses sera instauré «pour éviter tout dérapage incontrôlé des dépenses de l'État», justifie l'entourage de François Hollande.Selon ce dernier, le diagnostic des Sages de la rue Cambon permettra «de savoir quelle est l'exécution de la loi de finance modifiée pour 2012». En clair, de savoir dans quel état exactement les socialistes récupèrent le pays: «En fonction des conclusions de la Cour des comptes, il y aura fin juin un collectif budgétaire», indique le camp socialiste. Et d'ajouter que si la situation était plus difficile, «il en tiendrait compte». Il s'agit surtout, selon l'équipe d'Hollande, de ne pas avoir à assumer, à la fin de l'année, la responsabilité d'un bilan 2012 moins bon que prévu.
Certains n'ont néanmoins pas manqué de voir dans cette petite phrase la préparation des esprits à l'abandon ou au décalage de certaines promesses de campagne. Voire à l'annonce d'un sérieux tour de vis budgétaire pour le début du quinquennat. François Bayrou, à la veille du premier tour, s'était montré le plus virulent. «Cela veut dire: je vous avertis à l'avance, je vais présenter une enquête qui me permettra d'expliquer que je ne tiendrai pas les promesses que j'ai faites», avait ironisé le candidat centriste.
De fait, l'équipe de François Hollande n'a eu de cesse au cours des dernières semaines d'essayer de gommer l'image de celui que l'hebdomadaire The Economist qualifiait encore de «dangereux», entre les deux tours. Pour son directeur de campagne, Pierre Moscovici, le nouveau président appartient à la «gauche sérieuse», soucieuse de «responsabilité budgétaire». «Nous sommes des gens responsables!», répète à tout va le responsable du projet présidentiel Michel Sapin. Pour convaincre tous ceux qui en douteraient.
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