Qui a la main sur quoi? Les décrets d'attribution détaillant le périmètre exact de chaque ministre seront discutés ce mercredi en Conseil des ministres, annonce Matignon. Derrière leur aspect très juridico-administratif, ces textes sont hautement politiques, puisque le champ d'action détermine le poids d'un ministre et sa visibilité médiatique potentielle. Dans la sphère économique et sociale, les risques de tiraillements sont nombreux. Les comptes de la Sécu pourraient être partagés entre deux ministres. Le ministère du Budget n'a plus la main sur la réforme de l'État. L'énergie est sortie du giron de Bercy . État des lieux des zones de tensions potentielles.
• Quand Montebourg reçoit les syndicats… et le fait savoir
• Les syndicats déjà au cœur des enjeux
• L'énergie, entre écologie et industrie
• Bataille autour de la Sécu
• Bercy n'a plus la tutelle sur la réforme de l'État
Quand Montebourg reçoit les syndicats… et le fait savoir:
Marquer très vite son territoire et montrer sa réactivité face à la vague de plans sociaux qui vont déferler. Donner l'image d'un ministre soucieux d'engager une politique industrielle ambitieuse et commencer sans tarder à discuter avec les syndicats: voilà le message qu'Arnaud Montebourg voulait envoyer à l'opinion en recevant les partenaires sociaux le lundi de son installation.
Griller la politesse à Jean-Marc Ayrault:
Et qu'importe s'il a grillé la politesse à… Jean-Marc Ayrault,
le premier ministre, qui mènera dans les prochains jours des
consultations officielles avec les leaders syndicaux et patronaux. Ou
s'il marche sur les plates-bandes de ses collègues chargés des questions
sociales (Michel Sapin, Marisol Touraine…) qui, s'ils ont pris des
contacts informels, accordaient la préséance au premier ministre avant
de recevoir plus officiellement leurs interlocuteurs.«C'est bizarre, on ne se bat pas généralement pour récupérer les dossiers explosifs», s'amuse un ministre. Dans l'entourage d'Arnaud Montebourg, on donne une explication bien plus terre à terre: «Il n'y a pas eu de passation jeudi avec le ministre de l'Industrie Éric Besson (qui était parti en vacances, NDLR), nous n'avons récupéré que des dossiers incomplets et il y avait une forme d'urgence à aller chercher l'information là où elle est.» Le ministre veut travailler «en toute transparence», rassure-t-on dans son entourage. Il s'agissait aussi, selon Bercy, «d'un premier échange sur l'état de l'appareil productif français».
Fralib, Petroplus, ArcelorMittal ou Peugeot-Aulnay seront des dossiers à prendre en main très rapidement. La semaine dernière, Arnaud Montebourg avait indiqué vouloir faire de son ministère celui de la «reconquête» des emplois industriels détruits.
Plutôt que de prendre publiquement la mouche, Matignon préfère minimiser, reléguant l'initiative de Montebourg à des «rencontres informelles».
Les syndicats déjà au cœur des enjeux:
Michel Sapin veut prendre le temps d'étudier les dossiers.
Première mission de Michel Sapin: préparer «la conférence» économique et sociale qui doit permettre de décliner les grandes orientations du projet présidentiel sur cinq ans. Ni la date (le plus probablement en juillet), ni les participants (faut-il en restreindre l'accès aux seuls partenaires sociaux dits représentatifs?), ni la méthode ne sont calés. Seule certitude: il ne s'agira pas d'une «grand-messe de trois heures où chacun parle à tour de rôle et où le président fait des annonces à la sortie», décrypte un proche du ministre. Toute référence aux «sommets sociaux» de l'ère Sarkozy ne serait pas fortuite…
Il faudra surtout d'ici là dresser la liste des questions à aborder: emploi, rémunérations, parité, retraites, compétitivité, comptes publics… Pendant la campagne, François Hollande a promis le dialogue social tous azimuts. De quoi permettre à Michel Sapin de se montrer leader sur une vaste palette de sujets. Mais le rendez-vous ne doit pas devenir fourre-tout. Et, dans l'esprit du ministre, cette conférence - une sorte de «Grenelle» moderne - doit surtout marquer le début d'un «processus qui peut durer cinq ans», qui se déclinera en «plusieurs chantiers» et donnera lieu à un «suivi précis».
Chaque ministre devrait alors reprendre la main sur ses propres dossiers. Sur les retraites, Marisol Touraine, la voisine de Michel Sapin dans la région Centre ; sur les restructurations industrielles, Arnaud Montebourg ; sur la partie contenu et diplôme de l'apprentissage, Vincent Peillon… Rue de Grenelle, on assure que Sapin ne chipotera pas sur telle ou telle parcelle de pouvoir: il est aussi ministre du Travail et de l'Emploi. Avec la courbe du chômage à inverser, les emplois d'avenir et les contrats de génération à créer, les heures sup exonérées à recadrer, les questions de rémunération à soulever, il aura de quoi faire.
L'énergie, entre écologie et industrie:
Nicole Bricq sera également en charge de l'Énergie.
Sensible nucléaire:
Une
décision très sensible, la baisse du nucléaire dans la production
d'électricité, devrait tester le nouveau rapport de forces entre
Écologie et Redressement productif. Pendant la campagne présidentielle,
François Hollande a fait part de sa volonté de fermer la centrale de
Fessenheim (Haut-Rhin), la plus ancienne en France. Mais la volonté de
protéger le tissu industriel national peut-elle s'accommoder d'une telle
orientation?L'étude du sous-sol français pour jauger le potentiel en matière de gaz de schiste offre aussi matière à débat. Pour le moment, la loi interdit toute exploration: mais si les prix de l'énergie grimpent en flèche, le gouvernement s'interdira-t-il de réouvrir le dossier.
Bataille autour de la Sécu:
Jérôme Cahuzac n'aura pas la tutelle sur la réforme de l'État et la fonction publique.
En revanche, Jérôme Cahuzac devrait conserver le contrôle des comptes de l'ensemble des administrations publiques, c'est-à-dire de l'État, de la Sécu et des collectivités locales. Et ce malgré un titre officiel qui ne mentionne pas les comptes publics. Jérôme Cahuzac conserve donc les attributions de ses prédécesseurs. Imposée par Nicolas Sarkozy dès 2007, cette tutelle complète est une condition sine qua non pour une gestion rigoureuse. Car les dépenses sociales représentent 45 % des dépenses publiques. Pour préparer la nouvelle trajectoire des comptes publics, le nouveau ministre s'appuiera sur l'audit de la situation de 2012 commandé à la Cour des comptes. Un audit qui sera rendu public après les législatives, et non avant le 1er juin comme annoncé précédemment.
Bercy n'a plus la tutelle sur la réforme de l'État:
Marylise Lebranchu devra trouver des pistes d'économies.
L'autre nouveauté par rapport au précédent gouvernement, c'est de lier la décentralisation à la réforme de l'État et à la fonction publique. Cet attelage, qui a existé par le passé, trouve, lui, sa logique. François Hollande a toujours dit que la réorganisation de la puissance publique passerait par une nouvelle décentralisation. Son entourage chiffre à 60.000 les doublons de postes entre les fonctionnaires employés par l'État et ceux travaillant pour les collectivités locales. Le nouveau gouvernement compte bien y trouver des pistes d'économies. Marylise Lebranchu pilotera à l'automne cette nouvelle réforme de décentralisation.
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