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mardi 15 mai 2012

Et si la Grèce sortait de la zone euro…

La question de la sortie de la Grèce de la zone euro n'est plus taboue.
La question de la sortie de la Grèce de la zone euro n'est plus taboue.


 Les économistes et les États commencent à évaluer le coût d'un abandon de la monnaie unique par Athènes.




À Bruxelles ou à Francfort, une sortie de la Grèce de la zone euro n'est plus tabou. Mais cette question, lourde de conséquences pour l'Europe et la monnaie unique, divise les grands argentiers européens.
Les ministres des Finances de la zone euro, réunis ce lundi à Bruxelles pour un Eurogroupe consacré à l'Espagne et à la Grèce, ont étalé leurs divisions sur le sort de cette dernière. Après ceux qui croient qu'une rupture avec la monnaie commune serait la solution, le camp opposé a donné de la voix, ce lundi. «Je ne veux pas parler de la sortie de la Grèce (…) parce que ce serait un échec pour toute la zone euro !, a lancé le ministre espagnol Luis De Guindos au début d'un rendez-vous de l'Eurogroupe. Athènes doit mettre en œuvre les décisions convenues ; de notre côté nous devons trouver des solutions et offrir notre soutien ».
Même tonalité pour le Belge Steven Vanackere -«à quoi bon parler d'une option qui ne réglerait pas le problème de fond?»- et pour l'Irlandais Michael Noonan :«planifier une sortie de l'euro n'est pas notre affaire. La Grèce doit rester et mon but est de lui offrir le soutien nécessaire».
En attendant que la France de François Hollande se détermine, l'Allemagne et ses alliés affichent la fermeté. «La question n'est pas d'être généreux avec les Grecs, mais de défendre une politique économique crédible », dit le ministre allemand Wolfgang Schäuble. Le Néerlandais Jan Kees De Jager juge qu'Athènes a déjà «épuisé les marges de flexibilité ». Aux yeux de l'Autrichienne Maria Fekter, la Grèce devrait quitter l'Union européenne en même temps que l'euro, quitte à y revenir ensuite au bout d'un «sérieux examen » de réadmission.
Ces divisions sur une question si cruciale n'ont pas rassuré les marchés, qui ont tous dégringolé en Europe lundi. L'euro s'est enfoncé à 1,2845 dollar, son plus bas niveau depuis le 18 janvier.
Les Bourses européennes ont chuté de plus de 2 % en moyenne. Athènes a dévissé de 4,56 % ; Milan a baissé de 2,74 % malgré une émission obligataire réussie de 5,25 milliards d'euros. La Bourse de Madrid en chute de 20 % sur l'année, a, elle, perdu 2,66 % ce lundi, insensible au dernier plan bancaire. Les taux espagnols ont gagné jusqu'à 22 points de base à 6,17 %. Les taux italiens se sont aussi tendus à 5,6 %. Seuls les taux allemands étaient en recul, à 1,45 % à 10 ans.

Quelles conséquences pour la Grèce?

À 80 % d'entre eux, les Grecs veulent rester dans la zone euro, selon les sondages. Ils connaissent de façon intuitive le scénario de sortie envisagé officiellement, entre autres, par le FMI: dépréciation quasi immédiate de 50 % de la nouvelle monnaie, chute d'au moins 12 % du PIB et envolée de 35 % des prix, la première année.
Un défaut de paiement sera inévitable, considèrent le FMI et les observateurs privés. Lesquels s'attendent à une chute d'activité encore plus brutale (de 35 % à 50 % selon les experts de la Société Générale).
Le choc sera triple. Privé du jour au lendemain de tout financement extérieur, l'État grec sera contraint d'aligner instantanément ses dépenses sur ses recettes. Fin juin 2012 le déficit (hors paiement des intérêts de la dette) devrait en effet atteindre 4,8 milliards d'euros, prévoit le FMI.
Deuxième blocage, le circuit bancaire. Les banques grecques ont déjà vu leurs dépôts se contracter de 30 % en deux ans. La course aux guichets s'amplifiera du jour au lendemain, obligeant Athènes à bloquer les comptes. En outre, les banques ne pourront plus bénéficier des avances de la BCE (près de 100 milliards d'euros aujourd'hui, le tiers de leurs ressources totales).
Troisième effet paralysant, l'assèchement automatique des approvisionnements extérieurs. Les importations (67 milliards d'euros en 2011) devront impérativement s'adapter au niveau des recettes à l'export, 52 milliards à peine, tourisme compris.

Quelles conséquences pour la France?

Il existe deux relais de contagion pour la France. D'abord budgétaire: l'État pourrait perdre jusqu'à 58,5 milliards d'euros. Cette somme correspond à l'addition des deux prêts accordés via le fonds de secours européen pour un montant total de 26,4 milliards à quoi il faut rajouter la part que la France devra verser pour combler les pertes essuyées par la BCE et le FMI si ces derniers ne sont pas remboursés par la Grèce (10,5 milliards au total). En outre, d'après Fitch, la France pourrait devoir refinancer jusqu'à 22,2 milliards le réseau des banques centrales de la zone euro. Le deuxième coût est d'ordre privé et concerne l'exposition des entreprises et des banques à la Grèce. Ces dernières ainsi que les assureurs ont circonscrit une grande partie de leurs risques lors de l'opération historique de restructuration achevée en mars dernier.
Cette opération massive a coûté au secteur bancaire français près de 7 milliards d'euros en 2011. En parallèle de ces provisions, les cinq grands groupes hexagonaux se sont massivement délestés de leurs créances. Ils ne sont plus aujourd'hui exposés au risque grec qu'à hauteur d'un peu plus de 2 milliards d'euros, selon la Banque des règlements internationaux. «Je ne connais aucun groupe bancaire qui serait mis en difficulté par un scénario extrême sur la Grèce», a pu ainsi assurer lundi le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer. Le Crédit agricole, présent localement, inquiète toutefois. Au premier trimestre 2012, sa filiale, Emporiki, lui a encore coûté 940 millions d'euros. Les analystes évoquent une facture globale de 7 milliards.

Zone euro, BCE, FMI: qui va payer quoi?


Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, face à Mario Monti <i>(à gauche)</i>, président du Conseil italien, et Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe, lundi à Bruxelles.
Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, face à Mario Monti (à gauche), président du Conseil italien, et Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe, lundi à Bruxelles. 
 
Les engagements pris en faveur de la Grèce depuis le printemps 2010 s'élèvent à 340 milliards d'euros. Soit une aide de 31 000 euros pour chacun des 11 millions de citoyens grecs.
Un premier paquet de 110 milliards a été décidé en mai 2010, associant les États de la zone euro, directement ou à travers les institutions européennes, et le FMI. Un deuxième programme a été déployé en mars 2012, à hauteur de 130 milliards d'euros, réunissant les mêmes bailleurs de fonds. À quoi s'est ajoutée la contribution des investisseurs privés, qui ont accepté un effacement partiel de leurs créances de 100 milliards d'euros, en valeur actualisée.
Par ailleurs, la Banque centrale européenne a contribué à aider les Grecs sous deux formes. D'une part par ses rachats de titres de l'État grec sur le marché, pour environ une cinquantaine de milliards d'euros, et de l'autre par des avances de liquidités aux banques grecques, qui s'élèvent aujourd'hui à près de 100 milliards d'euros. Les pertes potentielles de la BCE sont donc considérables et les Allemands y sont d'autant plus sensibles que c'est la Bundesbank qui en porte de loin la plus grande part.
En dernier ressort, c'est le contribuable européen qui devrait supporter l'ardoise, y compris pour l'argent de la BCE qu'il faudrait recapitaliser.
Il en va autrement pour le FMI, qui intervient au nom de la communauté internationale. À ce titre, le FMI est un créancier «privilégié», qui a toujours été remboursé, y compris lors de la faillite de l'Argentine. Les seules exceptions étant la Somalie, le Soudan et le Zimbabwe dont les arriérés de paiements à son égard restent modestes (2 milliards de dollars) comparés à l'enfer grec.

Quel est le risque de contagion?

Les économistes le reconnaissent, c'est le grand saut dans l'inconnu. En pariant toutefois sur une contagion moins grave qu'un an auparavant «car l'essentiel de la dette grecque est aujourd'hui détenu par le secteur public (BCE) et le FESF (Fonds européen de stabilité financière)», explique Jean-François Robin, de Natixis.
Les dirigeants européens s'attacheront aussi à minimiser l'impact, mettant en avant les mécanismes de sauvegarde mis en place. Il n'empêche, un retour de la drachme à Athènes commencera par déclencher un vent de panique sur les marchés obligataires. Vent qui frappera les dettes des pays les plus fragilisés, en première ligne le Portugal, déjà sous financement du FMI et de l'Union européenne, et sur lequel plane la menace d'un deuxième plan de sauvetage. Confronté à un problème de compétitivité, le Portugal pourrait être tenté, à l'instar de la Grèce, de sortir de la zone euro pour dévaluer sa monnaie et doper ses exportations. Autre pays sur la sellette, l'Espagne risquerait face à une défiance accrue des investisseurs de devoir faire appel, plus vite que prévu, à une aide internationale. Globalement, tous les pays qui voient leur déficit extérieur se creuser sont exposés. Au-delà, on peut redouter un effet récessif plus marqué en zone euro. Pour contenir la contagion, l'action de la BCE sera décisive.

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