L'alternance politique fera-t-elle tomber des têtes dans les grandes entreprises françaises, à commencer par celles qui appartiennent au secteur public? La question alimente les rumeurs et les conversations du monde économique depuis des mois. Sans réponse évidente jusqu'ici. Car, pendant sa campagne, François Hollande a soufflé le chaud et le froid. En février, le candidat PS dénonçait le «système Sarkozy» et promettait aux «hauts fonctionnaires» qui lui étaient liés qu'ils devraient laisser leur place à d'autres. Le propos visait explicitement la justice et le corps préfectoral. Mais il pouvait implicitement menacer aussi des dirigeants d'entreprise. Mercredi, lors du débat de l'entre-deux-tours, François Hollande avait vivement reproché à Nicolas Sarkozy d'avoir «nommé ses proches partout», «y compris dans des établissements bancaires». Une virulence qui fait redouter à certains une chasse aux sorcières dans la sphère économique. Une méchante rumeur évoque une «liste des cinq», cinq personnalités, donc, qui seraient à débarquer en priorité.
Rencontres en coulisses:
Mais François Hollande a aussi promis une présidence «non partisane et impartiale». Le respect de cet engagement lui interdirait donc de procéder à une valse des dirigeants. C'est par exemple dans cet esprit que le candidat a prévu de modifier le processus de désignation des dirigeants de l'audiovisuel public.Pour les patrons d'entreprise publique, appliquer la stratégie de l'État actionnaire et justifier d'un bon bilan- pourrait alors suffire pour se maintenir, au moins jusqu'au terme de leur mandat. Cette théorie d'une alternance en douceur sur le terrain économique a été crédibilisée dans les derniers jours de campagne du candidat. Les signaux d'apaisement à l'égard de la communauté du business se sont multipliés à mesure que les contacts informels, les rencontres en coulisses se sont intensifiés entre les équipes de François Hollande et les patrons. Les personnalités classées à gauche au sein des états-majors des grands groupes et institutions -la mixité politique y est souvent de mise- ont aidé à faire passer les messages. Et en interne, de petites équipes ont partout planché pour disposer, le jour venu, de projets qui «colleront» au mieux aux nouvelles orientations de l'État actionnaire.
La vérité se situera le plus vraisemblablement entre les deux. Ni purge ni statu quo. L'attention se focalisera sur les dirigeants en poste les plus emblématiques, comme Henri Proglio. À gauche, le patron d'EDF était cet hiver surnommé «PPH»: passera pas l'hiver. Aujourd'hui, son sort divise l'entourage de François Hollande. Mais le vaste secteur public français pourrait aussi faire l'objet d'un grand jeu de bonneteau. Des dirigeants marqués à gauche et déjà en poste, comme Guillaume Pepy (SNCF), Pierre Blayau (Geodis) ou Philippe Wahl (Banque postale), peuvent être «promus». De nouvelles têtes arriver. Ou d'anciennes revenir, comme Anne Lauvergeon, ancienne sherpa de François Mitterrand et ex-patronne d'Areva. Certains, enfin, pourraient choisir de partir, surtout si François Hollande met à exécution sa menace de les mettre au régime sec.
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