Les Grecs eux-mêmes seraient les premiers et les plus fortement touchés par une sortie de leur pays de la zone euro.
Si le pays se dote d'un gouvernement anti-austérité, l'État grec pourrait être en faillite dès la fin juin. Forcé par les événements, il pourrait sortir de la zone euro. Le début d'un été de cauchemar pour les Grecs.
Imaginez que le «Mélenchon grec», Alexis Tsipras, prenne le pouvoir à Athènes. Le charismatique leader du parti d'extrême gauche Syriza a hissé son parti à la deuxième place lors de l'élection législative de dimanche. Il pourrait bien l'emporter lors de la probable prochaine législative, début juin. Or, Alexis Tsipras prône l'arrêt de l'austérité et le maintien dans la zone euro. Problème: il ne peut pas avoir l'un sans l'autre.
Aussitôt les coupes budgétaires annulées, le Fonds monétaire international et l'Union européenne couperaient les vivres à l'État grec. Or, ce dernier tourne grâce à une injection permanente de dizaines de milliards d'euros versés par ses partenaires. Credit Suisse a calculé que 143 milliards d'euros avaient été versés de 2010 à aujourd'hui. Athènes attend d'ailleurs un nouveau virement de 5,3 milliards d'euros. Si le fonds de sauvetage a approuvé cette aide, il a néanmoins réduit son montant d'un milliard qui a été bloqué pour un éventuel versement en juin.
Sans cet argent, l'État grec serait en faillite dès la fin juin. Le gouvernement aurait beau retarder le paiement de ses factures, il ne pourrait plus payer les fonctionnaires ou les pensions de retraite, passé quelques semaines. L'État ne pourrait notamment pas rembourser ses 25 milliards de dettes détenues par les banques locales. Un coup de plus pour ces établissements, eux-mêmes privés de leurs perfusions accordées jusqu'à présent par la Banque centrale européenne (BCE). Les banques en faillite, les entreprises ne peuvent plus payer leurs employés qui rejoindraient dans la rue les fonctionnaires et retraités à sec eux aussi.
Le retour à la drachme:
À un moment donné durant l'été, pour éviter que la situation n'empire, le gouvernement serait forcé d'émettre sa propre monnaie pour payer ses dettes et les salaires. D'une façon ou d'une autre. «La Grèce pourrait choisir de sortir de la zone euro si elle était incapable de renouer avec la croissance en y restant, et si les mesures de rigueur sapaient l'attachement à l'idée européenne, ou encore si des populistes arrivaient au pouvoir», résume l'agence de notation Fitch. Le risque qu'un tel scénario se réalise est difficile à évaluer. Les analystes de Credit Suisse l'estiment à 15%, ceux de la banque américaine Citi entre 50% et 75%.Le remède serait pire que le mal. «La Grèce vivrait un effondrement financier et une récession bien pire que celle qu'elle connaît actuellement», prévient Willem Buiter, chef économiste de Citi. Le pays verrait probablement son économie s'effondrer de moitié, selon Stéphane Déo, économiste chez UBS.
L'euro serait probablement remplacé par un retour à la drachme, l'ancienne monnaie grecque. Si le gouvernement décide au départ qu'une drachme égale un euro, cette parité ne durerait pas. Inflation galopante, fuite massive des capitaux étrangers… très vite, la nouvelle monnaie ne vaudrait plus grand-chose. À terme, les Grecs ne pourraient acheter avec une drachme qu'environ la moitié de ce qu'ils s'offraient auparavant avec un euro, estime Patrick Artus, le chef économiste de Natixis.
Ruine des épargnants:
La valeur de la drachme chutant de 50%, le prix des produits achetés à l'étranger, donc en monnaie étrangère, du pétrole à l'iPhone, doublerait. Or, la Grèce est un pays qui importe beaucoup plus qu'elle n'exporte. Les entreprises rencontreraient d'énormes difficultés avec leurs fournisseurs étrangers. Dans le même temps, les épargnants seraient ruinés, leurs euros ayant été transformés en drachmes lors de la sortie de la Grèce de la zone euro. En revanche, les endettés, à commencer par l'État, y gagneraient: leurs créances fondraient à mesure que la drachme s'effondre.La crise se diffuserait en parallèle dans le reste de la zone euro. Athènes pourrait refuser d'honorer comme prévu ses dettes contractées par ses partenaires. En jeu, plus de 143 milliards d'euros accordés par les institutions internationales depuis 2010, selon les calculs de Credit Suisse. Les banques, assurances et autres investisseurs privés étrangers seraient touchés à hauteur de seulement 36,3 milliards d'euros, selon les estimations d'UBS.
Pour autant, ce ne sont pas ces pertes directes qui inquiètent le plus. Le plus grand risque, mais aussi la plus grande inconnue, réside dans l'effet domino provoqué par l'événement. «Un tabou serait brisé, celui de la sortie d'un pays de la zone euro», souligne Willem Buiter. L'étendue du désastre dépendrait alors de la capacité des autres États européens à colmater la crise. Là, les avis divergent. Certains, comme Fitch, estiment que les outils anti-contagion existent, comme le pare-feu financier de 500 milliards d'euros. Et qu'un fort soutien affiché aux autres pays en difficulté, couplé à une intégration plus forte de la zone, calmerait les dernières craintes.
Plus pessimistes, d'autres observateurs tablent sur une réponse insuffisante et trop tardive des États membres en cas de contagion. Comme ce fut le cas jusqu'à présent, soulignent-ils.
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