Lars Olofsson, directeur général depuis un an, fait le bilan de son plan de relance du groupe dans un entretien au Figaro.
Êtes-vous satisfait des performances commerciales de Carrefour en France ?
Lars OLOFSSON. - Pour la première fois depuis quatre ans, le groupe a gagné des parts de marché. C'est un premier pas, qui prouve que notre stratégie est la bonne. Nous avons baissé nos prix, proposé de nouveaux produits et fait plus de promotions. Par ailleurs, nous avons accéléré le transfert de Champion en Carrefour Market, désormais quasiment achevé, débuté la conversion de nos magasins de proximité en Carrefour City, et enfin commencé à passer nos magasins de hard discount Ed sous l'enseigne Dia. Je suis très fier du travail accompli par les équipes.
Et sur les autres critères de performances ?
Nous avons tenu toutes nos promesses et atteint nos objectifs sur 2009. Avec un résultat opérationnel de 2,775 milliards d'euros, nous sommes même dans le haut de la fourchette de nos prévisions. Carrefour est entré dans une nouvelle dynamique. 2009 était une année de transition, où nous avons défini une nouvelle stratégie, très différente de la précédente. Auparavant, Carrefour cherchait la croissance à travers l'expansion internationale pour trouver le bonheur hors de France. Désormais, Carrefour doit trouver avant tout son bonheur en France. Nous avons rallié toutes les équipes à cette stratégie : « devenir le commerçant préféré ».
La part de marché des hypers a reculé en France. Maintenant que Carrefour est une enseigne de proximité, ne craignez-vous pas que les familles délaissent vos grandes surfaces en périphérie ?
Il n'y a pas de risque de cannibalisation, au contraire ! Les ménages qui fréquentent nos différents formats sont nos plus gros clients. Ce n'est pas à Carrefour de les pousser dans un format plutôt que dans un autre. Nous devons adapter nos offres pour capter les consommateurs dans chaque format.
Le concept de «tout sous le même toit» est-il encore le bon ?
Contrairement aux idées reçues, l'hypermarché est la plus grande opportunité pour Carrefour, notamment avec notre projet « réenchanter l'hyper ». Le concept du « tout sous le même toit » n'est plus valable. Depuis l'ouverture du premier Carrefour, en 1963, l'essor des distributeurs spécialisés et des galeries commerciales ont transformé le paysage. Nous devons être plus sélectifs et plus innovants sur notre offre non alimentaire. Nous allons par exemple tester des partenariats avec des marques et même des enseignes pour certaines catégories.
Vous avez pris beaucoup de retard sur Internet…
Nous sommes activement à la recherche de solutions ou partenaires pour proposer une offre dès cette année. Sur Internet, les plus grandes opportunités concernent les produits non alimentaires. Pour l'alimentaire, le marché est plus limité pour le commerce en ligne en France. En revanche, les consommateurs semblent apprécier de commander sur internet et de venir chercher leurs courses. Pour eux, nous ouvrirons une dizaine de magasins Carrefour Drive cette année.
Vous avez investi 600 millions d'euros dans la baisse des prix. Allez-vous continuer, ou êtes-vous prêt à perdre des parts de marchés pour augmenter la rentabilité ?
Ma priorité est de chercher de la croissance et des parts de marché. Tout n'est pas une question de prix. Ce n'est pas uniquement en étant le moins cher que l'on gagne le cœur des clients. En 2010, nous continuerons d'aller dans le sens du client avec de meilleures offres, de meilleurs services et des promotions événementielles. En 2009, il fallait amorcer la pompe. Nous allons continuer nos efforts, mais en étant beaucoup plus sélectifs dans nos investissements. Les fruits du plan d'économies de 3,1 milliards d'euros d'ici à 2012 présenté fin juin seront affectés pour un tiers à la baisse des prix, le reste pour redresser la rentabilité.
Votre plan prévoit 500 millions d'euros de réduction de coûts chaque année jusqu'en 2012. Vu ses conséquences sur les effectifs, ne craignez-vous pas de déstabiliser le groupe ?
L'an passé, nous avons réalisé 530 millions d'euros de réduction de coûts, plus que les 500 millions promis en mars. Jamais Carrefour n'était parvenu à plus de 150 millions d'économies par an. Nous prenons le temps de mener notre projet de transformation du groupe, nous travaillons avec les représentants du personnel et les collaborateurs pour éviter de déstabiliser des équipes. Nous y sommes parvenus l'an passé, nous y parviendrons cette année et les suivantes.
Carrefour s'est retiré de Russie, alors que vous présentiez les Bric (Brésil, Russie, Inde et Chine) comme les principaux relais de croissance. Pourriez-vous quitter d'autres pays ?
Nous avons quitté la Russie, car nous n'avions pas l'opportunité de réaliser une acquisition, seule solution pour acquérir une taille critique. L'Inde est encore un marché vierge, qui mettra de longues années à décoller. Il n'est pas question d'abandonner le Brésil ou la Chine, deux marchés où nous avons à la fois un modèle économique clair et une position de leadership. Je n'exclus pas de revoir notre position sur un certain nombre d'autres marchés émergents si le potentiel n'est pas important, ou si nous n'avons pas de possibilité de devenir leader. Nous allons être extrêmement pointilleux sur nos investissements. Nous avons réduit nos investissements de 3,4 milliards d'euros en 2007 à 2,2 milliards en 2009. Nous les concentrons dans les pays et les formats prioritaires.
» Carrefour : baisse des ventes et nouvelle direction
La direction exécutive remaniée:
Révolution culturelle chez Carrefour. Des cinq principaux dirigeants du groupe, Thierry Garnier est le seul qui en faisait déjà partie fin 2008. Lars Olofsson, transfuge de Nestlé, nommé directeur général en janvier 2009, a annoncé jeudi la création d'une direction exécutive de cinq membres, qui remplace l'ancien comité exécutif de dix personnes. Parmi les exclus du top management figurent les patrons des filiales en Chine et au Brésil (qui restent toutefois au nouveau comex, élargi lui à 21 membres) et surtout Gilles Petit, le directeur exécutif France, qui s'apprête lui à quitter définitivement le groupe.
Il sera remplacé le 1er février par James McCann, 40 ans, jusqu'ici patron de la filiale hongroise de Tesco, le distributeur anglais dont le succès fait des jaloux chez les dirigeants et les actionnaires de Carrefour. Un directeur exécutif pour l'Europe est par ailleurs en cours de recrutement… à l'extérieur du groupe lui aussi. «C'est la première fois que la direction exécutive s'ouvre à des talents venant de l'extérieur, se félicite Lars Olofsson. Avec cette équipe renouvelée, nous entrons dans une nouvelle phase d'exécution du plan de transformation.»
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