Préféré à la France par Abu Dhabi pour la construction de quatre réacteurs, Kepco veut conquérir le monde et projette d'en vendre 80 autres d'ici à 2030.
Dopée par le contrat décroché le mois dernier à la barbe des Français à Abu Dhabi pour construire quatre réacteurs nucléaires, la petite Corée du Sud affiche un appétit de géant. Le tigre asiatique projette de vendre 80 réacteurs dans le monde d'ici à 2030 (pour une valeur espérée de 400 milliards de dollars), et de conquérir un cinquième du marché, a annoncé hier son ministère de «l'économie du savoir».
Le contrat émiratien, le premier à l'exportation pour la Corée, a créé la surprise. «On a donné l'impression que le PSG avait perdu contre une équipe de troisième division», résume Giovanni Bruna, un ancien de Framatome devenu directeur adjoint de la sûreté des réacteurs à l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire). Les acteurs français ont fait leur autocritique en soulignant la mauvaise organisation du consortium (Areva, EDF, GFD Suez, Total) mais ils ont sous-estimé l'adversaire coréen, dit en substance Giovanni Bruna.
«Salle de guerre»
Ces derniers avaient installé une vraie «salle de guerre», au deuxième sous-sol du quartier général de Kepco, «l'EDF» local, et le président de la république Lee Myung-bak, ancien ingénieur dans le génie nucléaire, s'est beaucoup investi sur le dossier. Avec vingt réacteurs en service fournissant 35 % de son courant, la Corée du Sud est l'une des grandes nations nucléaires du monde. Comme la France gaullienne, c'est à partir des licences de l'américain Westinghouse qu'elle a bâti son parc.
Depuis, «les Coréens se sont affranchis de leur dépendance et ont développé leur propre filière» de réacteurs de 1 000 mégawatts (MW), poursuit Giovanni Bruna. Ils «ont des industriels puissants (Hyundai, Samsung, Doosan) et un seul exploitant, à la différence de la dizaine d'exploitants qui se partagent le parc américain», souligne Patrick Blanc-Tranchant, spécialiste de l'Asie au CEA (Commissariat à l'énergie atomique).
Délais de construction moindres:
Doosan, par exemple, fabrique la cuve, la plus grosse pièce d'un réacteur, «dans ses ateliers parmi les plus modernes du monde», raconte Patrick Blanc-Tranchant, alors qu'Areva se fournit auprès du japonais JVC pour la cuve de son EPR. La Corée est également devenue autonome pour la fabrication du combustible.
Les Français font valoir que l'EPR, dit de «génération 3 +» est plus cher que l'APR1400 coréen en grande partie parce qu'il est plus sûr, grâce à sa double cuve et son «cendrier» destiné à récupérer le cœur fondu, dans le cas d'un accident de type Tchernobyl ou Three Mile Island. «Le réacteur coréen n'a pas de probabilité de défaillance supérieure à un EPR, précise l'expert du CEA, mais, en cas d'accident grave, les conséquences seraient supérieures pour l'environnement.»
Autre atout des Coréens : leur délai de construction. Ils s'élèvent à 48 mois sur le papier, contre 58 pour l'EPR. Le premier APR1400, mis en chantier en 2008 en Corée, respecte son calendrier.
Il va donc falloir compter avec les Coréens sur le marché mondial. La presse coréenne a récemment fait état de pourparlers avec la compagnie américaine Alternative Energy Holdings pour la vente de deux APR 1400 dans le Colorado et l'Idaho. Kepco est aussi sur les rangs pour répondre aux appels d'offres de la Jordanie et de la Turquie, pour un total de quatre réacteurs.
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