A chacun son rôle pour redéfinir le modèle de croissance de l'Union européenne (UE). Le trio placé à la tête de l'UE a tenté, vendredi 8 janvier à Madrid, d'accorder ses violons afin de refondre d'ici au mois de juin la stratégie économique des Vingt-Sept.
Herman Van Rompuy, le tout nouveau président permanent du Conseil européen, José Luis Zapatero, le chef du gouvernement espagnol, dont le pays assure la présidence tournante ce semestre, et José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, tâtonnent encore sur la mise en œuvre du traité de Lisbonne. Mais pour tourner la page de la récession, ils se sont promis de dépasser les petites rivalités suscitées par les nouvelles règles du jeu européen. "L'Europe a besoin d'unité, et de concertation", ont proclamé les trois hommes, après un déjeuner de travail offert par l'Espagnol.
En début de semaine, c'est M. Van Rompuy qui avait pris l'initiative de convoquer un sommet informel des chefs d'Etat et de gouvernement, pour le 11 février à Bruxelles. D'après lui, l'Europe ne peut se contenter d'une croissance de l'ordre de 1 % dans les années à venir. Il s'agit donc de préciser à vingt-sept les réformes et les mesures susceptibles de relancer un continent affaibli par la récession.
L'idée est de se projeter au-delà de la sortie de crise, pour remettre de l'ordre dans les finances publiques, et générer de nouveaux emplois, alors que la progression du chômage et le vieillissement fragilisent le modèle social européen. L'exercice est cependant redoutable après l'échec de l'agenda dit "de Lisbonne", un catalogue de bonnes intentions lancé voici dix ans pour faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus compétitive du monde en 2010. Les Européens ne sont jamais parvenus, par exemple, à consacrer 3 % de leur richesse à la recherche.
A peine l'invitation était-elle lancée que M. Zapatero a proposé de rendre "contraignants" les objectifs que les Vingt-Sept pourraient se fixer en matière d'innovation, d'éducation, de politique énergétique ou d'économie numérique. La nouvelle stratégie doit "inclure des mesures incitatives et des mesures correctives", selon le socialiste espagnol, en particulier par le biais du budget européen.
De l'avis général, l'échec de la précédente méthode tient au fait qu'il s'agissait d'un simple outil de coordination, sans aucune obligation de moyens, ni de résultats. Pour M. Zapatero, le moment serait venu de donner de "nouveaux pouvoirs" à la Commission européenne pour qu'elle supervise le processus. A ses yeux, les Vingt-Sept doivent même en profiter pour faire émerger "le gouvernement économique" que certaines capitales, comme Madrid et Paris, appellent de longue date de leurs voeux. Très soucieux d'exister face à M. Van Rompuy, l'Espagnol n'exclut pas de convoquer un sommet des pays de la zone euro au cours les six mois à venir.
M. Barroso, qui sera chargé de synthétiser les débats du sommet du 11 février, a salué "l'ambition" du dirigeant espagnol. M. Van Rompuy n'a pas voulu aller aussi loin dès vendredi. "Le sens de l'urgence est beaucoup plus fort maintenant qu'il y a quelques années", a-t-il observé en faisant allusion à l'impact de la crise. L'ancien premier ministre belge entend annoncer des propositions plus détaillées le 11 février. Elles seront, dit-il, préparées en concertation avec le gouvernement espagnol, et la Commission. " Le positionnement de M. Zapatero peut servir M. Van Rompuy, le premier peut dire tout haut ce que le second pense tout bas", dit un fonctionnaire européen.
Les débats s'annoncent néanmoins complexes. Car les avis divergent vite en Europe quand il s'agit de parler stratégie, voire de gouvernement économique. L'Allemagne se méfie de toute atteinte à l'indépendance de la Banque centrale européenne (BCE). Les Britanniques, surtout si les conservateurs prennent le pouvoir d'ici à juin, voient d'un mauvais oeil tout renforcement des prérogatives de la Commission. Depuis quelques mois, le gouvernement français pousse, de son côté, pour que les réflexions en cours permettent de lancer une véritable "politique industrielle". Vendredi, M. Van Rompuy s'est bien gardé de prononcer l'expression qui hérisse toujours les pays les plus libéraux. La veille en Allemagne, il s'était pourtant interrogé sur la meilleure façon de "maintenir un minimum d'activité industrielle" en Europe. Les prochains mois diront si le président du Conseil et ses interlocuteurs ont trouvé les bonnes réponses.
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