Ces vingt dernières années, la ressource en thon rouge a baissé de 80 % au large des côtes européennes. La France doit aujourd’hui décider si elle souhaite ou non l’interdiction de cette pêche.
Lobby contre lobby, défenseurs de la mer contre syndicat des marins-pêcheurs, une féroce bataille de chiffres et de communication se joue actuellement autour du thon rouge de la Méditerranée et de l’Atlantique. En effet, c’est aujourd’hui que le Premier ministre doit arrêter la position de la France concernant une éventuelle inscription de ce poisson sur la liste mondiale des espèces sauvages menacées. Ce week-end, la navigatrice Isabelle Autissier, récemment élue présidente de la section française du WWF (le Fonds mondial pour la nature), a lancé dans « le Journal du dimanche » un vibrant appel au président de la République. En finançant à coups de subventions la construction de navires toujours plus modernes, permettant d’aller pêcher « plus loin et plus profond », les gouvernements successifs ont encouragé la surexploitation des mers qui aujourd’hui met en péril l’avenir du thon rouge, argue en substance la navigatrice.
Pour « sauver in extremis » cette espèce, Greenpeace et le WWF demandent donc à la France de se prononcer pour son ajout à l’annexe 1 de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites). Une telle décision interdirait totalement le commerce de cette espèce dont les stocks en Méditerranée et en Atlantique sont surveillés depuis des années par une organisation internationale, baptisée Iccat. A minima, une inscription à l’annexe 2 de la Cites bannirait l’exportation du thon, ce qui aurait pour conséquence d’en réduire très fortement la pêche au large des côtes françaises et européennes, sachant que l’essentiel des prises part au Japon.
« Si vous interdisez la pêche légale, seuls les braconniers feront fortune »
Problème : tous les experts ne s’entendent pas sur l’état des stocks de poissons existants. Or le choix de la France concernant le thon rouge est crucial car c’est lui qui déterminera, en mars, la position que défendra la Commission européenne lors d’une conférence internationale sur le sujet. « Nous sommes très inquiets pour les pêcheurs français », déclare Hubert Carré, directeur général du Comité national des pêches. Mettant en avant le fait que les quotas autorisés ont d’ores et déjà été réduits de 40 % cette année (par rapport à 2009), ce responsable conteste la gravité de la situation. « Comme le disent certains scientifiques, il est urgent d’attendre.
L’an dernier, les pêcheurs français ont aperçu des concentrations de thons très importantes… Pour eux, une inscription à la Cites aurait l’effet d’une bombe atomique ! » plaide-t-il. Evaluant à environ un millier le nombre de marins concernés dans les ports de Sète (Hérault), de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) et de La Turballe (Loire-Atlantique), Hubert Carré ne croit pas en l’efficacité d’une telle mesure : « Vous n’empêcherez jamais les Japonais de manger du thon. Mais si vous interdisez la pêche légale, seuls les braconniers feront fortune. » La France s’en tiendra-t-elle aux déclarations de Nicolas Sarkozy qui, le 16 juillet au Havre (Seine-Maritime), s’était dit en faveur d’une interdiction mondiale du commerce du thon rouge ? Verdict attendu aujourd’hui.
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