L'immobilier de luxe constitue un marché microscopique, de moins de 5 % des ventes, soit 1 500 à 2 000 transactions à Paris chaque année, mais qui préfigure souvent la tendance générale. Il est particulièrement difficile à cerner, car vendeurs comme acheteurs veulent rester discrets et se dissimulent souvent derrières des sociétés, à l'abri des curieux ou du fisc.
"Après six effroyables mois, entre septembre 2008 et mars 2009, où nos chiffres d'affaires ont chuté de plus de 50 %, nous avons connu un frémissement, au printemps, et retrouvé un vrai dynamisme ces dernières semaines", se réjouit Charles-Marie Jottras, PDG du groupe Daniel Féau, dont le chiffre d'affaires 2009 surpasse de 4,5 % celui de 2008. Ses agences ont, rien qu'à Paris, réalisé 150 ventes de plus de 2,5 millions d'euros. Les notaires parisiens recensent, eux, 450 ventes de plus de 1 million d'euros, conclues au troisième trimestre 2009, dont seules 81 dépassent 2 millions d'euros.
Le marché a redémarré d'abord parce que les vendeurs ont sérieusement revu leurs prétentions à la baisse, d'au moins 10 % à 20 %. En témoigne la mise en vente à Paris, pour 12 millions d'euros, de l'hôtel particulier du couturier Kenzo, près de la Bastille, qui a, début 2009, trouvé acheteur - un producteur de télévision - à 25 % de moins, soit 9 millions d'euros. De nouveaux acheteurs s'intéressent, en outre, au très haut de gamme, au-delà de 2,5 millions d'euros, dont les prix sont dictés par les riches étrangers.
Les Russes, les Britanniques et les Américains sont nettement moins présents qu'auparavant, supplantés par des fortunes pétrolières venues du Kazakhstan ou du Moyen-Orient, notamment du Qatar, qui n'ont d'yeux que pour le triangle d'or parisien, dans le 8e arrondissement. Scandinaves, Belges et Suisses viennent aussi s'acheter un pied-à-terre à Paris, plutôt rive gauche. "J'observe également le retour de nombreux Français qui ont dû quitter leur job dans la finance, à Londres, ou sont un peu las de vivre à Uccle, la banlieue chic de Bruxelles", raconte M. Jottras.
"Le cash est là", résume Eric Decailly, de l'agence parisienne Engel & Völkers, qui vient de vendre un bel appartement haussmannien à rénover, place de l'Alma, pour 2 millions d'euros, après que le vendeur a consenti un rabais de 20 %. "Mais, dans ces conditions, il faut acheter comptant, sans condition suspensive d'obtention d'un prêt, et en passant par une société pour éviter le délai de rétractation de huit jours imposé aux ventes immobilières depuis la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) de décembre 2000", indique-t-il.
La richesse n'est plus l'apanage d'hommes d'affaires ou d'industriels chenus. Toute une clientèle jeune, enrichie aux LBO, stock-options et autres bonus, fait évoluer le marché. Ainsi l'appartement haussmannien avec moulures, grande hauteur sous plafond et vue dégagée, est certes toujours très recherché, et à des prix qui peuvent atteindre 20 000 euros le mètre carré.
Mais ces nouveaux riches veulent aussi des logements contemporains, duplex, lofts ou maisons de ville, qui font cruellement défaut dans la capitale. Ils font parfois appel à des décorateurs, qui s'improvisent eux-mêmes marchands de biens et revendent des appartements décorés, prêts à habiter, avec lits faits et vaisselier garni.
"La rive gauche, et ses arrondissements historiques, attire beaucoup d'étrangers et a plus de succès que la rive droite - 16e, 17e arrondissements et Neuilly -, plus au goût des familles françaises bourgeoises classiques, dont le budget n'est, lui, pas illimité", estime Philippe Chevalier, de l'agence Emile Garcin, qui a récemment vendu un appartement donnant sur le jardin du Luxembourg au prix de 19 000 euros le m2.
Les records de prix relevés par les notaires, au troisième trimestre 2009, ont été atteints par des appartements du 6e arrondissement, un 214 m2 de sept pièces, situé près des Invalides, qui a trouvé preneur à 5,26 millions d'euros, soit 24 600 euros le m2, et un duplex de 232 m2, près de l'église Saint-Thomas-d'Aquin, cédé 23 710 euros le m2, soit 5,5 millions d'euros. Cela reste cependant loin des 40 000, voire 50 000 euros le m2 de 2007...
Autre type de biens très prisé des étrangers, les appartements avec services et conciergerie pouvant, comme dans un grand hôtel, dégotter une place de théâtre au dernier moment, réserver dans un restaurant ou réveiller un blanchisseur en pleine nuit... "Hélas ! ce type de biens est rarissime", déplore Stéphane Imowicz, de l'agence Ad Valorem.
 
 
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