Les universités peuvent maintenant accéder à la propriété de leur patrimoine immobilier. Une possibilité saisie seulement par une minorité.
« L'autonomie immobilière des universités : gageure ou défi insurmontable ? », interrogent les sénateurs Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont dans un rapport présenté la semaine dernière. La loi sur l'autonomie des universités (LRU) offre aux établissements d'enseignement et de recherche la possibilité de devenir réellement propriétaires et gestionnaires de leurs bâtiments, aujourd'hui pour la plupart propriété de l'Etat. Mais la tâche n'est pas aisée, constatent les deux élus.
« Nous sommes réellement convaincus de l'utilité de cette dévolution mais c'est un problème d'une très grande complexité », avertit Jean-Léonce Dupont, membre de l'Union centriste. « C'est complexe, confirme le président de l'université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC), Jean-Charles Pomerol, mais c'est excessivement important car l'autonomie immobilière permettra aux universités d'avoir une réelle politique immobilière et d'être maître d'ouvrage. » L'UPMC est, des neuf universités candidates à l'autonomie immobilière (1), l'une des plus avancées. La convention actant le principe de la dévolution devrait être signée en juillet, même si la dévolution effective n'interviendra qu'une fois l'ensemble des travaux de réhabilitation et de désamiantage terminés, en 2015-2016. « Deux à trois autres conventions seront signées avant la fin de l'année », assure-t-on au ministère de l'Enseignement supérieur.
Les chiffres clefs:
Le patrimoine immobilier des universités représente 18,7 millions de m2 , dont 15,3 millions de m2 sont propriété de l'Etat. 35 % de ce patrimoine seraient vétustes ou en mauvais état.
Entre 2000 et 2010, 500 millions d'euros ont été alloués annuellement par l'Etat à l'immobilier universitaire. Dans les trois dernières années, ces moyens sont montés à 580 millions d'euros.
Une fois la propriété transférée, l'Etat versera chaque année une contribution financière aux universités pour leur permettre de gérer leur patrimoine sur le long terme (entretien, travaux, développement, etc.). D'après le modèle envisagé par le ministère, cette contribution serait calculée à la fois sur la surface dont dispose l'université et sur son activité (nombre d'étudiants présents aux examens et enseignants-chercheurs publiant). « Ce mode de calcul remporte notre approbation car il tient compte de l'hétérogénéité des situations », souligne le sénateur non inscrit de l'Aube Philippe Adnot. Une contribution qui serait uniquement calculée sur le nombre de mètres carrés désavantagerait en effet les universités « à l'étroit » mais disposant d'un grand nombre d'étudiants.
Les sénateurs insistent toutefois sur la nécessité de « fiabiliser les estimations des bâtiments faites par France Domaine », qu'ils considèrent parfois « sous-évaluées ». « France Domaine a estimé les biens de l'UPMC à 1 milliard d'euros, rapporte Jean-Charles Pomerol. Or cette estimation a fait l'objet d'une réserve lors de la certification des comptes. » Cette valorisation est nécessaire pour que les universités intègrent, dans leurs budgets, le coût de l'amortissement de leur patrimoine immobilier. Et la contribution de l'Etat devra être supérieure à ce coût.
En ces temps de rigueur budgétaire, « l'Etat a-t-il les moyens de faire la dévolution ? » s'interrogent alors Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont. D'après leurs calculs, « le coût d'un transfert global du patrimoine immobilier […] nécessiterait un effort supplémentaire de la part de l'Etat d'au moins 125 millions d'euros par an ». Mais pour l'instant, les candidats ne sont pas légion, seule une minorité d'universités ayant opté pour la dévolution (9 sur 83). « Beaucoup de collègues n'ont pas une bonne analyse de la situation et pensent que l'Etat exerce ses responsabilités de propriétaire, explique le président de l'UPMC. Or il n'y a pratiquement pas eu de travaux dans les universités depuis leur construction. » D'après la Direction générale de l'enseignement supérieur, un tiers du patrimoine immobilier universitaire est vétuste ou en mauvais état. Ce qui fait dire à Jean-Charles Pomerol que « la dévolution ne pourra pas être pire que la situation actuelle ».
(1) Avignon, Cergy-Pontoise, Clermont-Ferrand-I, Corte, Marne-la-Vallée, Paris-II, Pierre-et-Marie-Curie, Poitiers, Toulouse-I
 
 
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