Plusieurs projets de tubes sont en compétition pour acheminer vers l’Europe le gaz d’Azerbaïdjan, alternative aux ressources russes. Bakou veut garder le contrôle des réseaux, au détriment de Nabucco poussé par Bruxelles.
Les grandes manœuvres battent son plein autour des immenses réserves de gaz de la mer Caspienne, convoitées par l’Europe. Les projets de gazoducs se multiplient, chaque acteur poussant ses cartes en attendant la sélection des vainqueurs.
Mardi, le consortium mené par la compagnie britannique BP (25,5 % des parts), auquel participe Total (10 %), qui développe le champ gazier de Shah Deniz 2, en mer Caspienne, à 70 kilomètres au large de l’Azerbaïdjan, a annoncé le lancement de l’étape finale d’ingénierie. Shah Deniz 2, pour lequel la décision d’y investir 19 milliards d’euros doit être confirmée en 2013, doit produire 16 milliards de mètres cubes de gaz à partir de 2017.
Aussi riche soit-il, un gisement gazier n’a de valeur que par ses voies de livraisons. Depuis dix ans, la Commission européenne pousse le projet de gazoduc Nabucco, soutenu par six compagnies détenant chacune 16,67 % du consortium, dont RWE (Allemagne), OMV (Autriche) et Botas (Turquie). Les promoteurs de Nabucco veulent en faire le principal «corridor gazier sud» destiné à s’affranchir du géant russe Gazprom, qui fournit à l’Union européenne (UE) plus du tiers de son gaz naturel.
Mais voici qu’à l’automne dernier BP a mis sur la table son propre projet de gazoduc, le SEEP, qui acheminerait le gaz d’Azerbaïdjan jusqu’à la frontière entre la Turquie et l’UE. Le SEEP serait beaucoup moins cher que Nabucco (environ 8 milliards d’euros) car il utiliserait en partie des équipements turcs en place.
De son côté, Bakou pousse un troisième tube, le Tanap, qui suivrait à peu près le même tracé que Nabucco en Azerbaïdjan et en Turquie. La compagnie pétrolière azerbaïdjanaise Socar y «détiendrait la part du lion», explique Gulmira Rzayeva, du Centre pour les études stratégiques, placé sous l’égide du président de l’Azerbaïdjan, qui participait à une conférence organisée la semaine dernière par l’Ifri (Institut français des relations internationales) à Paris. Pour tout producteur de gaz, le contrôle des tuyaux est un atout majeur. D’ailleurs, «Socar ne veut pas dépendre des infrastructures turques», souligne Gulmira Rzayeva. Pour l’experte de Bakou, «Nabucco, qui ne représente que des pays consommateurs, n’est pas économiquement viable».
Iran, Irak et Turkménistan:
La bataille des gazoducs se poursuit aussi en aval de la Turquie avec une compétition entre le TAP, cofinancé par le Norvégien Statoil, partenaire de Shah Deniz, que BP préfère à l’ITGI (voir carte).Le consortium exploitant le grand champ d’Azerbaïdjan doit faire le choix définitif de son gazoduc en 2013. Si Nabucco était écarté, ce serait, estiment certains observateurs, le coup de grâce pour ce serpent de mer soutenu par Bruxelles. Et cela confirmerait la difficulté de financer des grands pipelines uniquement par des pays consommateurs.
Les adversaires du projet Nabucco lui reprochent d’être surdimensionné pour le seul gaz d’Azerbaïdjan. Et pour cause, son objectif historique est d’importer également, à une échéance rendue incertaine par la géopolitique, du gaz d’Irak, d’Iran et du Turkménistan.
«Cela fait dix ans que vous parlez de Nabucco», ironise Konstantin Simonov, directeur du Fonds pour la sécurité énergétique nationale. Cet expert russe qui se veut indépendant mais laisse échapper des «nous» lorsqu’il parle de Gazprom enfonce le clou: «La Chine n’a pas parlé des années mais a inauguré dès 2009 le gazoduc la reliant au Turkménistan.»
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