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mardi 19 janvier 2010

Après l'échec d'Abou Dhabi, le conflit entre Areva et EDF se poursuit sur l'uranium et le retraitement des déchets.

Les écologistes de Greenpeace ironisent et parlent d'une "scène de ménage à propos des poubelles dans le couple nucléaire" Areva-EDF. Faute du renouvellement du contrat liant les deux entreprises, le groupe nucléaire refuse, depuis le 1er janvier, de retraiter les combustibles usés des 58 réacteurs de l'électricien dans son usine de La Hague (Manche), l'obligeant à les entreposer dans les "piscines" de ses 19 centrales. C'est le dernier épisode en date du conflit opposant les deux piliers de la filière nucléaire française. Il illustre leurs difficultés à travailler ensemble, qui se sont soldées par l'échec de la France à Abou Dhabi (Le Monde du 19 janvier).
L'affaire remonte à 2008, mais la tension est montée d'un cran, lundi 18 janvier. Un porte-parole d'EDF a accusé Areva, son principal fournisseur de combustible (uranium enrichi), d'avoir suspendu les livraisons destinées à ses centrales depuis le 4 janvier. "Nous ne les avons jamais suspendues ", a immédiatement répliqué le groupe nucléaire. Une décision qui serait très risquée, puisque celui-ci fournit 68 % du combustible d'EDF et que 80 % de la production française d'électricité est d'origine nucléaire.
En revanche, Areva confirme bien la suspension du transport et du retraitement des combustibles brûlés dans les réacteurs nucléaires. Sa présidente, Anne Lauvergeon, a haussé le ton, lundi, sur RMC : "Franchement, nous attendons le nouveau contrat et ça fait un peu trop de temps qu'on discute. Il y a eu un arbitrage de l'Etat, et on attend (qu'il) s'applique."

Un contentieux ancien:
Les négociations achoppent à la fois sur le prix du service de retraitement, qu'EDF juge visiblement trop élevé, et sur les volumes de combustibles retraités. Jusqu'à présent, le prix payé par le groupe public d'électricité pour ces services de retraitement à La Hague s'élèverait à environ 850 millions d'euros par an. Un chiffre qu'EDF et Areva refusent de confirmer pour d'"évidentes raisons commerciales".
Fin 2008, à l'expiration du contrat de longue durée liant EDF et Areva, les deux groupes s'étaient entendus sur un accord cadre courant jusqu'en 2040, tout en se donnant un an pour régler les problèmes en suspens. Une démarche approuvée par l'Etat, actionnaire majoritaire d'Areva (91 %) et d'EDF (84 %), qui avaient prolongé d'un an le contrat initial.
Mais le contentieux est plus ancien. En février 2008, Pierre Gadonneix, alors PDG d'EDF, avait indiqué que son groupe était prêt à racheter à Areva l'activité retraitement-recyclage de La Hague. Un scénario rejeté par le gouvernement et par Mme Lauvergeon, qui veut garder la maîtrise de tous les maillons de la chaîne nucléaire : extraction de l'uranium, production de combustible, fabrication des réacteurs, retraitement et recyclage des déchets, démantèlement des vieilles centrales.
EDF représente 80 % de l'activité de La Hague, un complexe mis en service en 1966 qui peut traiter jusqu'à 1 700 tonnes de combustibles usés. Il lui en livre 1 200 tonnes dont 850 sont retraitées (le reste étant stocké). Les deux usines de La Hague traitent aussi ceux des réacteurs suisses, belges, néerlandais, australiens et japonais. Areva en extrait 4 % de déchets (concentrant 95 % de la radioactivité) qu'elle vitrifie et stocke à La Hague (pour les seuls déchets français) dans l'attente d'un enfouissement géologique à l'horizon 2020. L'usine produit aussi 1 % de plutonium qui, mélangé à l'uranium, produit du Mox brûlé dans 22 réacteurs d'EDF. Les 95 % restant sont de l'uranium de retraitement (très peu radioactif) entreposé à Pierrelatte (Drôme) et en Sibérie.
Le combustible nucléaire est un autre sujet de conflit entre les deux groupes. L'usine Georges-Besse 1 du Tricastin (Drôme) attend des commandes d'EDF pour 2011 et 2012, les deux dernières années d'activité du site. Faisant jouer la concurrence, l'électricien public a choisi le russe Tenex et l'européen Urenco (Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas). Environ 500 emplois sont menacés, a prévenu Mme Lauvergeon. En 2012, l'usine de Georges-Besse 2, qui a coûté 3 milliards d'euros, doit prendre le relais pour enrichir l'uranium.

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