Lorsqu'une compagnie aérienne low cost contourne le droit, la "justice" ne doit pas être rendue "à bas coût". Après s'être permis ce petit jeu de mots - qui a déclenché quelques éclats de rires étouffés dans l'assistance -, le substitut du procureur de la République, Bernard Thouvenot, a requis une amende de 225 000 euros, soit la "peine maximale", à l'encontre d'easyJet. Le jugement, mis en délibéré, sera rendu le 9 avril. La société britannique comparaissait, vendredi 22 janvier, en tant que personne morale devant la 11e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Créteil. Elle est poursuivie pour travail dissimulé, entrave aux organes de représentation des salariés et défaut d'immatriculation.
L'affaire remonte à juin 2003, lorsqu'easyJet ouvre une "base d'exploitation" à l'aéroport d'Orly. Intrigués par des affiches publicitaires irrégulières promouvant la compagnie, les gendarmes s'intéressent à elle en 2005. De fil en aiguille, ils se rendent compte qu'elle n'a déclaré que deux salariés en 2004 et un en 2005, alors qu'elle employait de 170 à 180 personnes.
Enquête préliminaire, opération de contrôle associant l'Urssaf, le fisc et l'inspection du travail, ouverture d'une information judiciaire... De ces investigations, il ressort que la quasi-totalité des salariés ont signé un contrat de travail de droit anglais, alors même qu'ils résident en France et qu'ils prennent leur service à Orly. Affiliés à une caisse d'assurance-maladie et à un fonds de pension britanniques, ils sont rémunérés en livres sterling sur un compte en Grande-Bretagne. Du côté français, une multitude d'obligations sont foulées aux pieds : pas de déclaration d'embauche, pas d'inscription à la Caisse de retraite des navigants, pas de comité d'entreprise...
"Dumping social":
C'est de l'"évasion sociale par les airs", a lancé, lors de l'audience, Me Vincent Dony, l'avocat de l'Urssaf. Outre cet organisme de recouvrement de cotisations, Pôle emploi et deux syndicats de navigants (UNAC et SNPNC) ont participé au procès en tant que parties civiles. A tour de rôle, ces quatre protagonistes ont soutenu un argumentaire qui allait dans le même sens : easyJet ayant choisi d'avoir une implantation permanente en France, son équipe affectée à Orly aurait dû être assujettie au droit français.
Dans cette affaire, l'Urssaf et les Assedic ont subi de gros préjudices, puisque les salariés de la compagnie n'ont pas cotisé dans l'Hexagone. Le manque à gagner atteindrait environ 10,3 millions d'euros (dont 8,8 millions pour l'Urssaf). Cette situation a engendré des "distorsions de concurrence" entre easyJet et les autres transporteurs aériens, a fait valoir Me Claude Benoit, l'avocat de Pôle emploi. Le représentant du parquet, M. Thouvenot, a même parlé de "dumping social".
Paroles "excessives", a rétorqué l'avocate de la compagnie, Me Frédérique Baulieu. Selon elle, le droit et la jurisprudence, en 2003, n'étaient pas aussi limpides que l'affirment les parties civiles. La preuve : sollicitée par easyJet, une instance officielle britannique lui a assuré, en 2005, qu'elle pouvait affilier à la Sécurité sociale anglaise ses navigants basés à Orly. Ce n'est qu'au bout d'un an que cette même instance s'est rendu compte qu'elle avait commis une erreur.
Pour Me Baulieu, la compagnie n'a jamais cherché à s'abriter derrière un quelconque "droit exotique" de manière à payer moins de charges. L'avocate a aussi rappelé que les navigants rattachés à Orly étaient soumis au droit français depuis 2007, à la suite de la parution, en novembre 2006, d'un décret qui précise les règles du jeu sur les "bases d'exploitation".
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