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vendredi 22 janvier 2010

Le président Obama veut limiter la taille des banques.


A la Bourse de New York et sur les places asiatiques, les baisses s'accélèrent depuis l'annonce de Barack Obama d'un projet de loi visant à limiter la taille et les activités des banques.

Reprendre la main : après la gifle reçue lors de la défaite démocrate à l'élection sénatoriale du Massachusetts, Barack Obama a cherché, jeudi 21 janvier, à vite récupérer l'initiative. Et il a désigné le champ de l'affrontement : la régulation bancaire. Le moment était bien choisi. Le matin même, Goldman Sachs avait annoncé des bénéfices exceptionnels de 4,8 milliards de dollars (3,4 milliards d'euros) au dernier trimestre 2009, très au-dessus des prévisions. Et des émoluments, salaires et bonus, de 16,2 milliards de dollars à répartir entre ses 32 000 cadres et employés, soit un demi-million en moyenne par personne. En présentant ce projet législatif d'assainissement du secteur bancaire, le président jouait sur du velours. La colère de l'opinion contre le secteur financier a repris de plus belle depuis que la plupart des grandes banques annoncent des résultats mirifiques.

L'exaspération de "Main Street" - l'opinion publique - vis-à-vis de Wall Street est d'autant plus grande que l'accès au crédit ne se desserre toujours pas et que l'expansion du chômage, quoique ralentie, semble se poursuivre inexorablement.

"Si ces gens veulent la bagarre, j'y suis prêt", a déclaré M. Obama. Aux républicains il tend un piège : continuer de s'opposer à toute réforme pourrait les positionner publiquement comme les défenseurs des "chats gras" - les banquiers et les financiers - et saper le fondement de leurs campagnes populistes.

A sa propre base, le président apparaît comme "gauchisant" enfin son attitude. Les premières réactions républicaines tendaient à rejeter catégoriquement la loi bancaire proposée. "De la poudre aux yeux, pas un mot sur Freddie Mac et Fannie Mae" (les deux grands refinanceurs du crédit immobilier renfloués par l'Etat), a déclaré un représentant de l'opposition, Scott Garrett (New Jersey).
Le projet de loi consiste à revenir, d'une manière indirecte et partielle, au Glass-Steagall Act, la loi bancaire adoptée par l'administration Roosevelt en 1933 qui, entre autres, instaurait une séparation étanche entre banques de dépôt et banques d'affaires. Une loi plusieurs fois amendée et qui avait fini par être abrogée en 1999 à l'initiative de Robert Rubin, alors secrétaire au Trésor de Bill Clinton, dans l'optique d'une dérégulation générale des marchés.
Cette fois, le projet interdirait aux détenteurs du statut de banque commerciale (de dépôts) de posséder, d'investir ou de soutenir des fonds de capital investissement ou des fonds spéculatifs. "Il ne faut plus autoriser les banques à trop s'éloigner de leur mission centrale : être au service de leurs clients", a justifié M. Obama.
Un exemple des mesures allant en ce sens : la Maison Blanche veut limiter la pratique dite des "opérations pour compte propre" qui permet aux banques de jouer sur les marchés, de spéculer avec leur propre argent - et non celui de leurs clients ou, pire, à agir à l'inverse des conseils qu'elles leur délivrent. La banque Goldman Sachs est ainsi soupçonnée d'avoir continué de pousser ses clients à acquérir des titres subprimes en 2007 alors qu'elle-même en vendait. Pour l'équipe du président, la généralisation de ces pratiques a amplement participé au déclenchement de la crise.

S'adapter ou disparaître:

Parmi les autres mesures envisagées : la limitation de la taille des institutions financières. Elle tiendrait compte du volume des dépôts et de l'endettement et des avoirs, afin que l'Etat ne soit plus confronté à des établissements présentant pour l'économie nationale le risque d'être too big to fail (trop gros pour être lâchés) bénéficiant ainsi d'une garantie publique implicite. "Le contribuable américain ne sera jamais plus pris en otage" par ces grands établissements, à lancé le président.
La Maison Blanche présente son projet comme une volonté de maîtriser un secteur qui, laissé à lui-même, privilégie spontanément la spéculation et la prise de risque... aux dépens de ses clients. Il s'agit de "mesures de bon sens" destinées à protéger les Américains : "Ces dernières années, trop de sociétés financières ont fait courir des risques à l'argent du contribuable pour obtenir des bénéfices rapides", a insisté M. Obama.
Les réactions ont immédiatement été très nombreuses. Pour nombre d'analystes, les grands des marchés, comme les deux dernières banques d'affaires typiques, Goldman Sachs et Morgan Stanley, devront s'adapter à la limitation de leurs opérations pour compte propre au risque de disparaître. Et JP Morgan ou Wells Fargo, des banques de dépôts avec des secteurs d'affaires très développés, devront sans doute se séparer de leur banque d'investissement.
Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, a salué ces mesures, ajoutant qu'il restait encore à légiférer aussi sur les produits dérivés. A l'inverse, le Financial Service Forum, un des grands lobbies bancaires, prônant une "modernisation des marchés, pas un retour aux années 1930", a fustigé des mesures "arbitraires". "Limiter la taille des banques est inquiétant : l'économie mondialisée exige que, pour être efficaces, les Etats-Unis disposent d'au moins quelques grandes banques offrant une grande variété de services", a jugé Douglas Elliott, de la Brookings Institution. Jeudi soir, le Dow Jones perdait 2,01 %.

Un tournant stratégique:
Beaucoup d'analystes américains considèrent que la nouvelle politique annoncée par M. Obama constitue un tournant stratégique. Le président passe de l'attitude affichée jusqu'ici par le tandem Tim Geithner (secrétaire au Trésor) - Larry Summers (premier conseiller économique), perçus comme très conciliants envers les marchés, à celle que prône le vieux Paul Volcker (82 ans).
Isolé depuis des mois dans l'équipe Obama où il est conseiller à la relance, l'ex-patron de la Réserve fédérale sous Jimmy Carter et Ronald Reagan proposait des contraintes beaucoup plus draconiennes pour obliger les grandes banques à jouer le jeu. M. Volcker a trouvé en William Donaldson, ex-président, désigné par George Bush, de la Securities and Exchange Commission (SEC, contrôleur des marchés), un allié de choix qui était présent sur l'estrade à ses côtés, jeudi, lorsque M. Obama s'est exprimé.

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