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jeudi 21 janvier 2010

Les bulles spéculatives menacent à nouveau.


Un immeuble en construction dans la municipalité de Chongqing, en Chine, le 28 décembre 2009.

Des autorités chinoises qui tentent de modérer une croissance ayant atteint 10,7 % au dernier trimestre 2009 en bloquant la folle progression des prêts bancaires, un Fonds monétaire international (FMI) qui conseille d'instaurer un contrôle des capitaux, une Banque mondiale qui alerte sur l'apparition de "bulles" notamment dans l'immobilier chinois : les signaux virent au rouge sous la poussée d'une spéculation redevenue exubérante.
Car des "bulles" spéculatives sont en formation partout dans le monde, comme l'illustre le comportement des éleveurs de porcs chinois. Nombre d'entre eux achètent du cuivre, soulignait l'organe professionnel britannique Metal Bulletin, fin 2009. Ils trouvent plus rentable d'utiliser les prêts consentis généreusement par les banques pour acheter des contrats à terme de métaux sur le Shanghai Futures Exchange plutôt que de moderniser leurs porcheries.
Cela paie puisque, mercredi 20 janvier, le prix de la tonne de cuivre se stabilisait sous les 7 500 dollars, alors qu'il se traînait à 2 800 dollars peu avant Noël 2008.
Une jolie "bulle" parmi d'autres qui se caractérisent par une forte augmentation de valeur d'un actif sans rapport avec le jeu normal de l'offre et de la demande ; elle est causée par des investisseurs qui anticipent une hausse et achètent massivement avec l'espoir de revendre plus cher. Sous cette poussée, le renchérissement se réalise et attire de nouveaux spéculateurs, etc.
Cette spirale se termine toujours mal. L'oignon de tulipe devenu à Amsterdam, en 1637, aussi onéreux qu'un immeuble ou les "jeunes pousses" Internet, bâties sur du vent en 2000, se sont effondrées instantanément ruinant les imprudents qui avaient parié sur ces fausses valeurs.
Plusieurs secteurs sont investis par la spéculation, les matières premières en tête. "Les banques centrales injectent massivement des liquidités, analyse Patrick Artus, directeur de la recherche chez Natixis. Une partie est investie en obligations et l'autre dans deux classes d'actifs : les matières premières non alimentaires et les actions des pays émergents." La bulle est patente, selon lui, puisque, écrit-il dans une note du 11 janvier, "le prix du pétrole serait aujourd'hui accru de 35 % par la spéculation et celui des métaux non précieux de 70 %".
Pierre-Noël Giraud, professeur à Mines ParisTech, estime, lui aussi, que "les investisseurs sur le papier font monter les cours, ceux du pétrole ou du nickel et même celui du soufre qui ne vaut rien en principe - c'est un sous-produit des raffineries -, mais dont le prix augmente pourtant en ce mois de janvier".
Les Bourses aussi subissent cette pression : l'indice boursier mondial MSCI a augmenté de 71 % en 2009 et le brésilien Bovespa de 82,66 %, alors que l'économie mondiale n'est toujours pas tirée d'affaire. Il semblerait que des mouvements de "carry trade" contribuent à ces ascensions, les spéculateurs empruntant dans une monnaie dont le rendement est faible comme le dollar pour acquérir devises et actions des pays émergents plus rémunérateurs.
On détecte aussi un regain d'irrationalité sur les marchés immobiliers. Celui de Londres toujours mal assaini serait reparti à la hausse aux environs de 15 % et les prix du mètre carré à Shanghaï ou Shenzen enfleraient de 15 % à 20 %.
Dernière "bulle", la Chine à elle toute seule. "Effrayées par la récession annoncée et les risques de manifestations populaires, les autorités chinoises ont ouvert les vannes du crédit de façon délirante", commente Bruno Cavalier, chef économiste chez Oddo Securities.
Il ajoute : "Elles ont pratiqué une politique de change qui importe en Chine une politique monétaire américaine trop stimulante, tout à fait inadaptée à la conjoncture chinoise. La surchauffe qui en résulte prépare ou bien une inflation généralisée ou bien des "bulles" sur les actifs." La Banque de Chine tente de calmer le jeu en obligeant les établissements financiers à augmenter leurs réserves obligatoires et en relevant les taux des bons du Trésor.
L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) n'est pas aussi pessimiste. "Nous ne voyons pas de "bulles" dans les économies développées, explique Jean-Luc Schneider, directeur adjoint des affaires économiques de l'Organisation. Une "bulle" s'accompagne d'une très forte croissance du crédit, or, celui-ci demeure plat."
Même avis au FMI où l'on déclare que la reprise s'effectue sans recours excessif au crédit privé et qu'il n'est pas question de l'étouffer en augmentant les taux d'intérêt pour l'instant, mesure préconisée par des économistes effrayés par les milliers de milliards de dollars en quête de placement.
Il n'empêche que Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds, reconnaît le risque de "bulles", puisqu'il a déclaré à Hongkong, mercredi 20 janvier, qu'elles pouvaient être évitées par un contrôle des capitaux. "Tant que c'est temporaire, a-t-il affirmé, c'est probablement le seul moyen." Il préconise également une appréciation des monnaies sous-évaluées à commencer par le yuan.
Autre solution, la réglementation. L'autorité américaine de régulation des marchés de matières premières, CFTC, a proposé, le 14 janvier, d'interdire qu'un seul opérateur détienne plus d'un quart des contrats à terme sur une échéance.
Cet arsenal (taux, réglementations, transparence) peut-il assagir les marchés ? " Non, répond M. Giraud. A la rigueur, la prévisibilité de la demande chinoise pourrait les rassurer." Même réponse de M. Artus, "car plus le pétrole est cher, plus il rapporte aux Etats producteurs, conclut-il. Plus ceux-ci gagnent des dollars, plus ils doivent les placer dans des actifs et plus les prix de ceux-ci s'envolent qu'il s'agisse de l'or ou des actions. Le mouvement est auto-entretenu". Un dangereux cercle vicieux.

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