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jeudi 21 janvier 2010

L'ex-complice d'Hervé Falciani, Georgina Mikhael, livre sa version de l'affaire des listings volés à HSBC.

Témoin-clé dans l'affaire HSBC, Georgina Mikhael, 34 ans, vit aujourd'hui au Liban. De nationalité franco-libanaise, elle se retrouve au coeur d'un scandale d'Etat. Mme Mikhael a bien connu l'informaticien Hervé Falciani, accusé d'avoir dérobé à Genève, dans les locaux de la banque HSBC, un fichier de clients aujourd'hui aux mains du fisc français, au grand dam des autorités suisses. L'affaire a failli tourner à la brouille diplomatique. "Je ne suis pas une fugitive, dit-elle dans un entretien au Monde, mardi 19 janvier. M. Falciani, lui, s'est enfui quand la justice suisse l'a convoqué. Il m'a manipulée, comme il manipule l'Etat français. Mais je n'accepte pas qu'il manipule l'opinion publique."
Ensemble, ils s'étaient rendus à Beyrouth, en février 2008, pour tenter de vendre à quatre banques, Audi, BNP Paribas, Société générale et Byblos, une base de données constituée par Hervé Falciani. Deux ans plus tard, celui-ci s'est réfugié en France, où la justice, avec le fisc, compte bien exploiter ses données visant 2 953 contribuables français détenant des comptes en Suisse. Lui assure que c'est Mme Mikhael qui a échafaudé l'escapade libanaise, et déclare agir pour "les intérêts de la France".
Mais c'est une tout autre histoire que raconte Georgina Mikhael. Elle rencontre M. Falciani chez HSBC, en 2006, où ils travaillent dans des secteurs différents. Ils s'apprécient, se côtoient lors de soirées poker. Pas au point de devenir amants, contrairement à ce qu'affirme M. Falciani. "Il était marié, dit-elle, je l'admirais, j'étais attirée par son intelligence, mais ça s'arrêtait là. Il me racontait qu'il allait divorcer. Et en décembre 2006, il me propose de créer une société. Il veut me confier le secteur du marketing, il m'explique qu'il a à sa disposition un moteur de recherches pour collecter des informations et constituer des profils de clients."
Selon Mme Mikhael, il lui fait alors une démonstration sur son portable, exhibe les profils de clients potentiels, avec une estimation de leur fortune. "J'étais surprise que ces données soient accessibles sur Internet", raconte-t-elle. Mais elle accepte le marché. "Le but était de vendre ces données, et de faire de l'argent, pas de lutter contre Al-Qaida, comme il l'affirme", ajoute-t-elle.
M. Falciani estime aujourd'hui avoir été piégé par la jeune femme, et voit même dans ce périple la main des services secrets libanais. "Il veut se parer de la casquette de chevalier blanc, lâche-t-elle. Mais c'est lui qui a organisé le voyage au Liban, lui qui a payé les billets d'avion avec la carte de crédit de sa femme." Lors de ce voyage, Hervé Falciani se fait passer pour un certain Ruben Al-Chidiack. Interrogé par les enquêteurs français, il affirme que c'est Georgina Mikhael qui lui a fourni cette identité d'emprunt.
"C'est faux, s'insurge-t-elle. Je me demandais pourquoi il voulait cacher son identité, il m'a dit que c'était pour inspirer confiance à nos interlocuteurs. C'est lui qui a fabriqué ses fausses cartes de visites. J'étais d'autant plus choquée que lors des démonstrations devant nos futurs clients, il m'empêchait de voir ces fameuses données. Du coup, on s'est disputés, j'ai annulé les rendez-vous avec d'autres banques."
De retour à Genève, leurs relations s'espacent, assure-t-elle. "Je pense qu'il devait préparer son coup depuis longtemps. Je ne savais pas que ces fichiers avaient été dérobés, je ne les ai jamais vus, comme je n'ai jamais été mise au courant de ses contacts avec les services de renseignement."
Après avoir été entendue une première fois par la justice suisse, fin 2008, Mme Mikhael est de nouveau convoquée dans les prochaines semaines. Elle compte répondre aux questions des enquêteurs. Elle a aussi déposé plainte pour diffamation, à Paris, à l'encontre de son ancien collègue. "M. Falciani a violemment mis en cause ma cliente, en lui faisant endosser le mauvais rôle, déclare son avocat, Me Thierry Montgermont. Il s'avère que c'est faux, que la seule motivation de M. Falciani était financière et non pas éthique." Mme Mikhael dit craindre pour sa sécurité. "J'ai hâte d'être confrontée à Hervé Falciani, relève-t-elle. Je me sens blessée dans mon honneur, la France a tort de lui faire confiance."
L'enquête préliminaire ordonnée par le procureur de Nice, Eric de Montgolfier, se poursuit. Le 8 janvier, une réunion de coordination a eu lieu avec les services du fisc. Un partage des rôles a été décidé. Bercy s'occupera des seules fraudes fiscales, mais fournira à la justice les données pour trier les comptes fournis par M. Falciani, afin de caractériser d'éventuels délits de blanchiment. Dans la seule région niçoise, une trentaine de personnes sont visées.

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