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vendredi 15 janvier 2010

Les dettes de Renault.

Héros national au Japon lorsqu'il redressait Nissan à la hache, Carlos Ghosn découvre les charmes du patriotisme économique. Convoqué demain à l'Élysée, le plus international des patrons français va se voir rappeler à ses devoirs par le chef de l'État : pas question, lui expliquera-t-il, de délocaliser la production de la Clio IV en Turquie, un an après avoir été sauvé de la faillite grâce à un prêt de 3 milliards d'euros de l'État, puis maintenu en vie avec une généreuse prime à la casse.
La stricte logique industrielle plaide en faveur de Carlos Ghosn. Confronté à un marché automobile sens dessus dessous, Renault doit chercher en permanence à améliorer ses performances s'il ambitionne de jouer dans la cour des grands. Il n'est pas sûr que la stratégie simpliste prônée par Christian Estrosi - «quand une voiture est destinée à être vendue en France, elle doit être produite en France» - soit la plus appropriée pour y parvenir. Face à une concurrence exacerbée, on ne peut reprocher à Renault de vouloir faire tourner à plein régime son usine turque de Bursa, qui fabrique déjà des Clio et ce 10 % moins cher qu'en France.
Mais, depuis le déclenchement de la crise, qui a conduit l'État et les contribuables à intervenir massivement, le réalisme économique doit s'accommoder des réalités politiques. Pour dire les choses de façon abrupte, Renault, comme d'ailleurs son confrère PSA, a une dette à l'égard du pays. On ne peut, d'un côté, prendre les chèques, accepter des subventions pour financer les technologies du futur (la voiture électrique, par exemple) ou encore bénéficier de la suppression de la taxe professionnelle et, de l'autre, s'exonérer de toute responsabilité à l'égard de la société et s'indigner lorsque l'État réclame des comptes. Renault peut bien affirmer que ses projets turcs n'affecteront en rien ses effectifs en France, le passé ne plaide guère en sa faveur : le nombre de ses employés en France fond au fil des ans, de manière structurelle.
Signe des temps, ce patriotisme n'est plus la marque du seul sarkozysme. À Berlin, Angela Merkel a remué ciel et terre pour que Opel ne ferme aucun site en Allemagne ; dans un autre registre, Londres bat le rappel pour sortir Cadbury des griffes de Kraft ; à Washington, Barack Obama, prenant son opinion à témoin, veut infliger une taxe record aux banques. Partout, y compris chez les plus libéraux, l'économie entre dans le monde de l'après-crise. Les règles ont changé. Renault, comme bien d'autres, en découvre les nouvelles contraintes.

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