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mercredi 13 janvier 2010

Quotas dans les grandes écoles : la réponse des patrons .



                                                                    École polytechnique.

Six dirigeants issus d'établissements réputés réagissent à l'objectif de 30 % de boursiers souhaité par le gouvernement.

C'est le grand débat de société de ce début d'année. L'objectif de 30 % de boursiers dans les grandes écoles, un souhait du ministère de l'Enseignement supérieur, échauffe les esprits, engendre critiques et propositions alternatives pour établir une plus grande mixité sociale. Le sujet des quotas reste donc toujours aussi polémique en ­France, qu'il s'applique aux femmes dans les conseils d'administration ou aux élèves de ZEP dans les grandes écoles.
Lundi, lors de ses vœux au monde de l'enseignement, le chef de l'État, jugeant «parfaitement déplacées» les réticences des grandes écoles, a rappelé sa volonté d'imposer davantage de mixité dans ces filières d'élite. Sans passer par «l'instauration autoritaire de quotas», Nicolas Sarkozy a demandé des résultats concrets et rapides et a lancé cet avertissement : «J'attends des résultats concrets et rapides. Si on les a, le dialogue suffira. Si on ne les a pas, il faudra utiliser un autre moyen.» Après les vifs échanges entre la Conférence des grandes écoles (CGE) et Richard Descoings, directeur de Sciences Po à l'origine d'une voie d'accès parallèle pour les lycéens de ZEP dans son institut, Le ­Figaro a interrogé plusieurs grands patrons et personnalités du monde économique.
De quel œil ces employeurs en puissance de la prochaine génération de jeunes diplômés, eux-mêmes issus des grandes écoles, voient-ils une réforme des concours ou l'instauration de quotas ? Une majorité d'entre eux se rangent du côté de Conférence des grandes écoles (CGE) et préconisent une aide en amont des jeunes issus des milieux défavorisés. Certains craignent une dévalorisation de ces diplômes. Deux personnalités défendent néanmoins de manière explicite les quotas comme un moyen incontournable pour atteindre une plus grande diversité dans l'enseignement supérieur.

» Claude Bébéar, fondateur et président d'honneur d'Axa, président de l'Institut Montaigne, diplômé de Polytechnique
» Pierre Mongin, PDG de la RATP, Diplômé de l'IEP de Paris, Énarque
» Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric, vice-président de l'Institut Montaigne, diplômé de HEC
» Mercedes Erra, coprésidente exécutive du groupe Euro RSCG Worldwide, diplômée de HEC
» Jacques Attali, économiste et président de l'association PlaNet Finance, diplômé X-Mines, IEP Paris, docteur d'État en sciences économiques, ENArque
» Stéphane Richard, directeur général délégué de France Télécom, Énarque et diplômé de HEC

Claude Bébéar, fondateur et président d'honneur d'Axa, président de l'Institut Montaigne, diplômé de Polytechnique


«Ce ne sont pas les grandes écoles qui discriminent ; la discrimination a lieu bien avant, dès l'école primaire.
La vraie question est qu'aujourd'hui 150 000 jeunes sortent chaque année de l'école sans avoir une parfaite maîtrise des apprentissages de base : lire, écrire et compter. Agissons en priorité pour faire cesser ce scandale. Instaurons des formules de tutorat pour aider ces enfants, ce que faisaient autrefois les instituteurs dans les zones rurales. Voilà la vraie justice sociale. Ensuite, aidons-les à bien s'orienter. Nombre d'entre eux, même talentueux, n'imaginent pas faire autre chose que des études courtes.
Au niveau des prépas, le nombre de candidats issus de milieux modestes est déjà trop faible. Le terme boursier en lui-même fausse le débat, puisqu'un certain nombre de bourses sont attribuées à des étudiants issus des classes moyennes.
En France, quand on sort d'une grande école, on a le niveau grande école parce qu'on a réussi le concours d'entrée et les examens de sortie. On pourrait développer les voies d'entrées d'élèves issus d'autres filières que les prépas. Par exemple, est-il vraiment important d'être bon en langues pour intégrer Polytechnique ? Le concours d'entrée devrait se focaliser sur les mathématiques et la physique. Ensuite, les élèves ayant intégré l'école seraient aidés pour acquérir les connaissances nécessaires dans tous les domaines au sein de l'établissement. Au final, le concours de sortie sanctionnerait ces acquisitions.»

Pierre Mongin, PDG de la RATP, Diplômé de l'IEP de Paris, Énarque.

«Je ne suis pas favorable au quota, qui est une forme d'atteinte aux principes républicains. Il me paraît en revanche important de fixer un objectif pour plus d'égalité des chances dans les grandes écoles : y obtenir le même pourcentage de boursiers que parmi les bacheliers. Les entreprises doivent s'engager aux côtés de l'État, pour favoriser l'émergence des meilleurs, quelle que soit leur origine sociale. C'est ce que nous faisons à la RATP, avec notre Fondation qui, en partenariat avec HEC et l'université de Cergy-Pontoise, facilite l'accès d'un certain nombre de jeunes étudiants talentueux à des études longues grâce à des bourses et à un accompagnement personnalisé. Nous développons aussi l'alternance pour les élèves des grandes écoles de commerce ou d'ingénieurs, qui peuvent ainsi payer leur scolarité, une bonne solution pour surmonter la barrière financière. L'expérience acquise en entreprise étant en outre très appréciée des employeurs. Quant à la culture générale, je ne suis pas pour son effacement des critères de sélection, ce serait nier ce que nous sommes, en revanche cela doit nous interpeller sur la démocratisation de l'accès à la culture dans notre pays.»

Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric, vice-président de l'Institut Montaigne, diplômé de HEC.

«L'instauration de quotas risque de créer des grandes écoles à deux vitesses, avec deux catégories de citoyens. Imposer des quotas en fin de course, c'est absurde et hypocrite. Comme de faire participer à une finale des Jeux olympiques un athlète sans entraînement. Il faut aider en amont ceux qui ont le potentiel d'aller loin. Comme le fait la fondation Télémaque que je préside. Nous accompagnons des collégiens et lycéens scolarisés en ZEP. Nous les aidons à intégrer de très bons lycées et nous les accompagnons jusqu'au bac. En outre, le principe d'égalité des chances ne veut rien dire. Il n'y a pas d'égalité en valeur absolue mais l'égalité doit se juger en fonction des besoins de chacun. Donner des bourses, c'est aussi une manière de perpétuer l'inégalité. Je suis beaucoup plus favorable à des prêts d'honneur - plus équitables - que les étudiants puissent rembourser de manière échelonnée, sur cinq ans après la fin de leurs études. Les banquiers doivent faire leur devoir et prêter aux jeunes. C'est aussi leur intérêt. Quant à l'université, le système n'est pas meilleur parce que la sélection se fait trop par l'échec. Enfin et surtout, il faut faire en sorte qu'il n'y ait plus 20 % d'une génération qui sorte tous les ans du système éducatif sans qualification ni diplôme !»

à suivre ...

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