L'hypothèse de " double dip ", redoutée par les partisans d'une nouvelle relance, n'entre pas dans les scénarii de l'Organisation, explique Alain Detmeister, économiste spécialiste de la région.
Les statistiques de l'emploi tendent à montrer que la courbe des destructions d'emplois ne s'est pas encore inversée, malgré les indicateurs avancés (notamment de l'OCDE) montrant un rebond de l'économie. A quel horizon pensez-vous que l'économie américaine va se remettre à créer de l'emploi, et les Américains à consommer ?
Les statistiques américaines sur l'emploi s'améliorent, avec des destructions légères sur les mois récents. Cependant, cela prendra encore plusieurs mois avant que cela ne se transforme en vraie création d'emploi, et avant que le taux de chômage ne se réduise. La décrue du chômage est toujours plus lente que la hausse des créations d'emplois. Il a fallu deux ans pour que le taux de chômage passe de 5 à 10%. Même dans les hypothèses les plus optimistes, le chômage restera élevé pendant au moins autant de temps. A ce stade, nous n'attendons pas d'embellie sur le plan de l'emploi, nous pensons plutôt à une courbe lente, au fur et à mesure de la progression du reste de l'économie.
Certains reprochent à Obama d'avoir trop dépensé pour la relance de l'économie. D'autres, au contraire, comme Joseph Stiglitz ou Paul Krugman, craignent un "double dip", et préconisent un nouveau plan. Quel camp choisissez-vous ?
Le niveau de l'extraordinaire stimulus fiscal américain, de l'ordre d'un peu plus de 3% du PIB, a été largement supérieur à ce qui s'est fait ailleurs, y compris en France. Sans ce plan il est improbable que l'activité aurait progressé aux Etats-Unis dans la seconde partie de 2009. L'effet sera moins fort dans les prochains trimestres, même s'il sera encore significatif tout au long de l'année 2010. Un plan encore plus important, comme certains l'ont suggéré, pourrait certainement soutenir plus encore la croissance, mais il y a un prix à payer pour cela, en termes de déficit budgétaire, de dette à long terme, et peut-être de taux d'intérêts à long terme plus élevés dans les prochaines années. Avec un déficit déjà autour de 10% du PIB en 2009 et 2010, il est difficile de dire dans quelle mesure un stimulus plus fort serait positif, compte tenu du prix supérieur à payer. Cela dit, si un "double dip" (un nouveau creux dans l'activité) se produisait, et si la situation de l'emploi empirait, un nouveau plan pourrait être nécessaire. Mais ce scénario n'entre pas dans nos prévisions actuelles.
Sur le front du crédit, la santé retrouvée des banques ne coïncide pas (pas encore ?) avec une reprise franche du crédit aux consommateurs et aux entreprises. Est-ce une question de temps, ou le problème est-il plus structurel ?
Le flux de crédit ne dépend pas seulement de l'offre de crédit, mais aussi bien sûr de la demande. Il est difficile de faire la part des choses, mais il est permis de supposer que la demande de crédit est encore à ce jour assez en-dessous de son niveau normal, les consommateurs étant plutôt en phase de consolidation de leurs bilans, après le choc économique encaissé. La situation devrait progressivement se rétablir, mais probablement pas complètement. A plus long terme ce niveau d'épargne plus fort des ménages est une bonne chose, car cela aidera à la reprise économique, et cela favorisera aussi le désendettement et enfin une reprise plus rapide du crédit.
La réforme du système de santé, la plus importante à ce jour de l'équipe Obama, est en passe d'être votée. Est-ce une bonne chose à court et à moyen terme pour l'économie américaine ?
La réforme doit encore traverser l'épreuve de la réconcilliation des textes du Sénat et de la Chambre des représentants, ensuite être votée dans chacune de ces deux instances. A ce stade, la réforme ressemble assez à ce que l'OCDE recommandait dans sa dernière "Etude Economique" : une couverture élargie à travers la couverture universelle, une obligation d'avoir une assurance maladie, des mesures pour mieux contrôler le coût de la santé, y compris en se montrant moins généreux fiscalement. Si la réforme est adoptée, le système de santé des Etats-Unis se rapprochera de celui prévalant dans d'autres membres de l'OCDE. Toutefois, il gardera des spécificités : la plupart des gens adopteront des couvertures santé via leur employeur, et resteront donc dans le système privé. Un point d'inquiétude, pas seulement américain d'ailleurs, mais mondial, concerne la croissance des coûts de santé. Ceux-ci vont-ils augmenter plus vite que l'économie en général ? Il n'est pas certain que ce phénomène soit maîtrisable via le système qui est en train d'être mis en place. L'installation d'une telle réforme est toutefois tellement complexe, que nous devrons attendre ses effets avant de la juger.
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