Une taxe prévue pour «réduire la pollution visuelle» fait grincer des dents chez les commerçants. Certains y voient un prétexte pour compenser la disparition de la taxe professionnelle.
Une taxe peut en cacher une autre. Alors que la taxe carbone et la taxe professionnelle ont fait couler beaucoup d'encre, l'article 171 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 est passé inaperçu. Ce texte a donné naissance à la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE). Le nouveau dispositif remplace le système antérieur de taxation qui s'appuyait sur la TSA (taxe sur les affichages publicitaires) et la TSE (taxe sur les emplacements publicitaires). Une période de transition est prévue jusqu'en 2013.
Qu'est-ce qui va changer ? «La grande nouveauté de la TLPE est qu'elle inclut les enseignes, à savoir toute inscription, forme ou image apposée au bâtiment ou présente sur le terrain d'un commerçant. Le régime précédent ne taxait que les supports publicitaires», détaille le président de l'Union de la publicité extérieure (UPE) Stéphane Dottelonde. D'où une envolée de la facture.
Une addition salée:
Une collectivité qui bénéficiait de rentrées fiscales de 150.000 euros par an avec l'ancien système pourrait voir ses recettes atteindre environ 1,8 million d'euros avec la nouvelle taxe, selon Alain Daous, directeur général de l'Union pour les entreprises des Pyrénées Orientales (UPE 66), qui s'appuie sur la base du tarif de référence de droit commun prévu par la loi au terme de la période transitoire. Chez Leroy Merlin, par exemple, on estime que le tarif par magasin gonflera de 1.000 euros par an à 20.000 euros à l'échéance 2014.
L'enjeu est de taille. Avec un chiffre d'affaires de 1,12 milliard d'euros en 2008, selon l'Institut de Recherches et d'Etudes Publicitaires (IREP), la publicité extérieure est, avec la presse et la télévision, l'un des trois médias les plus utilisés par les annonceurs. Au premier rang desquels la grande distribution, les concessionnaires automobiles et les enseignes franchisées. La taxation des enseignes et préenseignes (signalisation sur le parking, des places de livraison, etc.) change fortement la donne pour le budget fiscalité des entreprises. Les petits commerçants de proximité, en revanche, ne sont pas soumis à la TLPE, du moment que la superficie de leurs enseignes n'excède pas 7m².
Une aubaine pour les villes ?
Environ 85 communes appliquaient la TSA et 3.000 la TSE en 2008, selon le Conseil du Commerce de France (CdCF). Comme l'ancien système, la TLPE est «facultative». A ce jour, environ 4.300 communes (dont les 3.085 précédentes) ont déjà mis en place la TLPE. Une estimation qui est loin de refléter la situation exacte car les délibérations municipales ne sont pas encore toutes connues, prévient toutefois le CdCF.
Pour les commerçants, il ne fait aucun doute que ce chiffre va gonfler. Alain Daous assure que «certaines mairies vont décider d'adopter la TLPE afin de compenser les pertes de trésorerie liées à la suppression de la taxe professionnelle». Pour les communes, les choses ne sont pas si simples. «Cette loi s'inscrit dans le cadre de la convention Grenelle 2015 signée avec le ministère de l'Ecologie, de l'Energie et du Développement durable. La TLPE est un dispositif de dissuasion, dont l'objectif est de réduire l'anarchie publicitaire», insiste l'adjointe au maire déléguée au commerce de Perpignan.
Dégager le paysage ou payer:
Si son application intervient au moment de la suppression de la taxe professionnelle, il s'agit d'une «coïncidence». L'élue rappelle d'ailleurs que les associations locales se battent contre «la pollution visuelle» depuis plus de quinze ans. De plus, la taxe professionnelle n'est pas supprimée mais remplacée par la Contribution Economique Territoriale (CET). C'est pour cela aussi que les commerçants ont du mal à digérer l'arrivée de la TLPE et de ses nouvelles dispositions.
Mais pas seulement. La circulaire de 43 pages cadrant la mise en œuvre du dispositif est très complexe, relève Anne Riche, responsable fiscale du groupe Leroy Merlin. «Les communes travaillent avec des sociétés privées de conseils qui ont mal interprété le texte, surtout dans la définition des supports sujets à la taxe. Ceci fausse le calcul des recettes que les villes peuvent s'attendre à percevoir» Pour Leroy Merlin, la difficulté d'application de la TLPE a généré des «tensions inutiles et regrettables» entre les commerçants et les mairies. Les recensements des panneaux et enseignes par les sociétés de conseil s'appuient sur «une lecture très extensive, voire abusive des textes», insiste Anne Riche. «Personne ne conteste le bien-fondé et la légitimité de cette taxe. Mais nous ne pouvons pas décrocher les enseignes non publicitaires qui portent notre nom.». Les enseignes sont donc prêtes à payer pour leur visibilité. Mais au juste prix !
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