La forte dépendance du pays à l'économie américaine et le manque de réformes structurelles pèsent sur la sortie de crise.
Le chiffre est officiel. Le PIB mexicain a chuté en 2009 de 6,5 %, soit l'une des plus fortes baisses de l'OCDE. Qu'est donc devenue l'étoile montante d'Amérique latine ? Sur la carte économique mondiale, le Mexique, treizième rang par son produit intérieur brut (PIB), est éclipsé par le Brésil. Les deux pays partagent pourtant les mêmes atouts : population jeune et nombreuse, richesse pétrolière et agricole, potentiel industriel… et les mêmes handicaps : clientélisme et corruption, criminalité et inégalités sociales records.
«L'économie brésilienne a réussi à se diversifier, à exporter un peu partout, et sa maîtrise technologique est bien plus développée», relève Enrique Cabrero, directeur général du Cide, un centre de recherches.
Pour beaucoup, le Mexique paie sa dépendance aux États-Unis. «Depuis la signature en 1994 de l'Alena (accord de libre-échange nord-américain), nous avons perdu de l'influence», constate Soledad Loaeza, chercheur au Colegio de Mexico.
Alejandro Valenzuela, directeur de la banque Banorte, enfonce le clou. «Nous sommes très dépendants de l'industrie manufacturière et nous n'avons pas suffisamment profité du développement des services aux États-Unis», explique-t-il. Et la sous-traitance subit la concurrence de la main-d'œuvre chinoise, plus compétitive.
D'autres économistes, à l'instar de Luis de la Calle, ancien membre du Trésor, rappellent l'énorme bénéfice de l'Alena : «Les exportations et les investissements ont fortement augmenté. Le Mexique a gagné des parts de marché sur le Canada. On voit aussi des entreprises qui délaissent la Chine pour revenir au Mexique.» Les sociétés étrangères viennent au Mexique pour la compétitivité et le dynamisme du marché local, mais aussi pour l'accès au marché américain.
Il n'empêche. Quand l'économie nord-américaine tousse, le Mexique s'enrhume, d'autant que la deuxième source de revenus provient des «remesas», les dollars envoyés par les émigrés aux États-Unis.
Profondes inégalités :
Si l'on rajoute la grippe H1N1, la sécheresse, la recrudescence du crime organisé et la chute du tourisme, 2009 restera l'annus horribilis marquée par une forte détérioration des finances publiques. La guerre contre les narcos pèse sur l'activité des villes industrielles de la frontière, en premier Ciudad Juarez, réputée la plus dangereuse au monde.
Le pays pâtit aussi de ses profondes inégalités. Deux mondes coexistent : le Nord développé, industriel, d'agriculture intensive et le Sud, pauvre, où vivent les populations indiennes d'une agriculture de subsistance. «Plus de vingt ans d'espérance de vie les séparent», illustre Almudena Fernandez, du ministère du Développement social. La pauvreté est aussi palpable dans les rues de Mexico, où 4 × 4 et boutiques de luxe côtoient les vendeurs à la sauvette.
Surtout, par manque de réformes structurelles, la croissance s'annonce timide, autour de 3 à 4 %, trop faible pour un pays émergent. «Il faudrait au moins 5 à 6 % pour créer de la richesse», avance le journaliste d'El Universal Hugo Ortega.
Les handicaps de l'économie mexicaine sont connus et ouvertement dénoncés : institutions et marché du travail trop rigides, fiscalité inefficace (à peine 10 % du PIB), éducation médiocre, blocages politiques
«Nous avons une classe politique trop mesquine, qui marchande réformes contre alliances», critique Mauricio Gonzalez, président du centre de recherche GEA. Privé de majorité au Congrès, le président Calderon aura bien du mal à faire passer les réformes d'ici à 2012.
Pour relancer la machine, le gouvernement essaie de diversifier, de développer les échanges avec l'Union européenne et l'Amérique latine en négociant un accord de libre-échange avec le Brésil. Le pays veut stimuler des secteurs à plus forte valeur ajoutée, comme l'aéronautique. Résolument optimiste, Luis de la Calle compte sur les classes moyennes, avides de consommation, et sur la dynamique des investissements.
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