«La zone euro s'en sortira si les politiques prennent les bonnes mesures», explique Larry Fink, PDG de BlackRock.
Pour le PDG de BlackRock, le premier gestionnaire d'actifs mondial, le prochain président français sera soumis à la pression des marchés.
BlackRock. Un groupe de rock? Une île mystérieuse? Ce nom n'évoque pas grand-chose pour les Français. Pourtant, c'est celui du premier gestionnaire d'actifs mondial. Le groupe américain créé en 1988 par Laurence D. Fink et quelques autres financiers a racheté les activités de gestion de Merrill Lynch en 2006, puis en 2009 celles de BGI, Barclays Global Investors, grâce auquel il est devenu le premier gestionnaire mondial d'ETF, ces fonds cotés qui concurrencent les sicav.
Aujourd'hui, BlackRock gère quelque 3500 milliards de dollars, est présent dans 27 pays, emploie plus de 10.000 personnes et est coté à New York. Ses fonds sont distribués en France. Son PDG, Laurence D. Fink, plus souvent appelé Larry Fink dans le groupe, ne cesse de parcourir le monde et de sauter d'un avion à un autre à la rencontre de ses clients. Démocrate, mais persuadé que l'avenir est dans l'emploi privé, américain et engagé dans une course à la mondialisation, pur produit de l'école publique déterminé à donner leur chance à des jeunes aux profils divers, mais faisant partie de ces financiers très bien payés (19,5 millions de dollars en 2011, soit 17% de moins qu'en 2010), il accorde rarement des entretiens à la presse française. À quelques jours de l'élection présidentielle, c'est au Figaro qu'il a décidé de livrer ses convictions.
Optimiste pour l'avenir de la zone euro, mais ne mâchant pas ses mots sur les défis à relever par celui qui sera le nouveau président de la République, il dit tout haut ce que les marchés financiers soufflent tous bas depuis des mois, en mettant les finances publiques de la zone euro sous pression.
Et lance un sérieux avertissement à destination de tous ceux qui ne se préoccupent pas de leur retraite et préfèrent laisser leur épargne dormir dans ce qu'il juge être de faux abris. Selon lui, s'affoler pour l'avenir de la zone euro ou se focaliser sur la dernière statistique d'emploi aux États-Unis ne sert à rien. Il reconnaît qu'à l'heure d'Internet, bombardés de flux d'informations, les ménages ont bien du mal à distinguer ce qui est important de ce qui ne l'est pas. Lui raisonne à long terme. Aux quadras, il conseille de revenir sur les actions, mais prévient: il faudra supporter les à-coups des marchés dans les mois et les années qui viennent.
Notre site- La Bourse s'effondre un jour, se reprend le lendemain et fait peur aux investisseurs, particuliers et institutionnels sur fond d'inquiétudes dans la zone euro. Cela va-t-il durer?
Larry FINK, PDG de BlackRock. - Je voyage beaucoup et où que j'aille, quels que soient mes interlocuteurs, on me parle de l'Europe. La Banque centrale européenne (BCE) a donné du temps à la zone euro en lui fournissant des liquidités, ce qui lui a permis de se stabiliser. C'est déjà un grand pas mais pour autant elle n'a pas tout réglé. Cela prendra des années pour venir à bout de cette situation. Et il y aura des phases d'optimisme et de pessimisme. Les investisseurs doivent s'y préparer.
Êtes-vous inquiets pour la zone euro?
Non,
le chemin s'annonce long, mais si les politiques prennent les bonnes
mesures, la zone euro s'en sortira. Depuis huit mois, les nouveaux
gouvernements en Italie et en Espagne
ont lancé des réformes fiscales qui vont dans le bon sens. Le
redressement des finances publiques prendra des années, mais la BCE a
donné assez de temps aux politiques européens pour s'y atteler. Il
faudra aussi que l'euro baisse. Sans doute jusqu'à 1,15, voire
1,10 dollar.
Un plan de sauvetage sera-t-il nécessaire en Espagne?
Il
n'est pas possible de le dire, au stade actuel. C'est un pays
dynamique, mais il n'y a pas de solution miracle. Là encore, il faudra
du temps. Le marché immobilier mettra encore quatre à six ans pour
sortir de la crise et les prix vont baisser. Une crise immobilière est
toujours longue, on le voit aux États-Unis où il faudra encore un an
pour que la crise soit surmontée. Et pourtant, la demande et la
dynamique démographique américaines sont fortes, bien plus qu'en
Espagne.
Les élections françaises approchent. Quelles conséquences peuvent-elles avoir sur les taux de la dette française?
La France
a la chance d'être dans l'œil du cyclone. Pour l'instant, les marchés
se focalisent sur d'autres pays. Pourtant, la France a une économie
faible. Elle doit diminuer ses dépenses structurelles. C'est vraiment ce
qui est en jeu. À la différence de l'Espagne, la France comme l'Italie
disposent d'une épargne importante. Mais cela ne suffit pas. Il faut que
les réformes soient faites, et ce sans tarder car la patience des
marchés a ses limites. Les politiques ont à mon avis une année pour
prendre le bon chemin, au-delà si rien n'est fait, la politique de la
BCE ne suffira plus.
Craignez-vous un retour de l'inflation?
Pas
dans les prochaines années sauf en cas de choc pétrolier lié à la
situation avec l'Iran. Tant que le chômage ne diminuera pas fortement et
ce sera long, le risque d'inflation paraît faible.
L'économie américaine vous paraît-elle sur la bonne voie?
L'économie
américaine est dans une forme correcte, mais elle n'est pas forte. La
croissance devrait atteindre 2,5% cette année, ce n'est pas très
dynamique après une récession, mais c'est beaucoup par rapport à
l'Europe.
Les dernières statistiques de créations d'emplois ont toutefois déçu.
C'est
vrai, mais le mois précédent c'était l'inverse. L'économie américaine
est sur la bonne voie. L'an dernier, elle a créé plus d'un million
d'emplois. Il faut regarder les tendances. Il faut mettre chaque
nouvelle donnée en perspective pour avoir une bonne lecture de ce qui se
passe dans l'économie, les marchés et la finance. Arrêtez de vous
concentrer sur le bruit. C'est ce que je voudrais faire comprendre aux
investisseurs et surtout aux particuliers. Si vous avez 35 ans et que
vous voulez préparer votre retraite, peu vous importe que les chiffres de vendredi dernier du chômage américain soient mauvais.
Cela n'a pas de sens. À la limite, arrêtez d'écouter les informations,
de lire les journaux! Il est très difficile de décider de ce qui est
important et de ce qui n'est que du bruit dans la masse d'informations
que nous recevons sur les radios, à la télé, sur nos smartphones ou sur
nos tablettes.
L'épargne des particuliers vous semble si mal investie?
Oui.
Dans tous les pays occidentaux, la vraie question financière pour les
particuliers est de savoir comment placer leur argent pour pouvoir avoir
le style de vie qu'ils souhaitent quand ils seront à la retraite.
L'allongement de la durée de la vie change tout. Les Français, les
Européens et les Américains le savent, la plupart essaient de manger
sainement, de faire de l'exercice, de fumer moins parce qu'ils savent
que cela devrait leur permettre de vivre plus longtemps. Mais presque
personne ne se demande dans quelles conditions financières se passera la
retraite. Ils se réfugient dans des placements en cash et en
obligations sans voir le risque, celui de ne pas avoir assez d'argent.
Or, dans un couple de 60 ans tous deux en bonne santé, statistiquement
un des deux vivra jusqu'à 92 ans. Le risque financier le plus grand dont
personne n'a conscience c'est celui de manquer d'argent à la fin de sa
vie.
Pour investir en Bourse, il faut être courageux quand elle peut perdre 3% en une journée. Garder du cash est rassurant.
C'est
vrai. Si vous me demandez comment investir pour dans cinq ans, il m'est
difficile de donner une bonne réponse à coup sûr et il faut
probablement investir à 80% en obligations. Mais à un horizon de quinze
ou vingt ans, on ne peut pas faire l'impasse sur les actions. Acheter
des actions de groupes multinationaux est la meilleure façon de préparer
sa retraite. Et vous n'aurez pas à vous préoccuper du fait que le
premier ministre fasse le bon choix. Ces groupes versent des dividendes,
sont une bonne protection contre l'inflation et permettent de profiter
de la croissance des marchés émergents de façon moins risquée qu'en
investissant en direct sur ces places. LVMH, Nestlé, Axa
sont de bons placements pour la retraite. Les obligations de grandes
entreprises sont aussi moins risquées que celles des États.
Existe-t-il
des bulles sur les marchés financiers aujourd'hui? Et notamment sur les
ETF, les trackers, dont vous êtes le leader mondial?
Il
y a encore des excès mais ils ont été considérablement réduits ces
dernières années. Reste le poids de la dette de plusieurs pays en
pourcentage de leur PIB qui est un problème. Pour les ETF,
il faut que les investisseurs comprennent dans quoi ils investissent,
quelles sont les contreparties. J'espère que les régulateurs vont aider à
apporter plus de transparence sur ce marché qui devrait se développer.
Quelle sera la principale tâche des politiques dans les prochaines années?
En
France comme aux États-Unis, il faudra réduire le déficit et faire en
sorte que ce soit le secteur privé qui crée des emplois. Il faudra un
secteur privé fort et il faudra que les gouvernements créent un
environnement favorable pour que les emplois ne partent pas dans
d'autres pays. J'ai toujours été démocrate, mais je suis persuadé qu'un
pays a besoin d'un secteur privé fort.
Votre message à
tous les étudiants qui rêvent de faire carrière dans la finance? Les
possibilités sont-elles les mêmes qu'autrefois?
J'ai
rejoint l'industrie financière en 1976 puis j'ai créé BlackRock qui est
issu de Blackstone et nous étions huit dans un petit bureau. Les
opportunités de réussir sont aussi importantes que lorsque j'ai
commencé, dans la finance, mais aussi dans les médias sociaux ou la
technologie. Pour faire carrière dans la finance, il faut être innovant
et avoir une grande rigueur morale. Nous avons recruté 250 jeunes
diplômés cette année venant d'horizons différents. Nous avons besoin
d'une vraie diversité, de modes de pensée différents. N'avoir que des
profils similaires serait une erreur majeure.
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