Les votes grec et français obligent l'UE à réviser ses dogmes.
Les Français comme les Grecs ont sanctionné la rigueur et l'Europe cherche à nouveau ses repères. Au lendemain de la victoire de François Hollande et de la cuisante défaite des partisans de l'euro à Athènes, l'UE s'est lancée lundi dans un rattrapage politique à marche forcée. Sous la bannière commune de la croissance, mais en ordre dispersé.
Beaucoup dépendra de la capacité du président élu et de la chancelière allemande à faire taire d'ici au 15 mai leurs dissonances sur ce qui constituait jusqu'à dimanche la boussole des capitales européennes: le pacte budgétaire et la discipline collective. Mais c'est le vote grec qui créé la consternation. En privant de légitimité démocratique le plan de sauvetage auquel l'Europe a voué deux ans durant une énergie considérable, il réveille immédiatement le spectre d'un éclatement de l'euro.
«La Grèce est à la limite de ce que son peuple peut encaisser» en matière d'austérité, reconnaît Michel Barnier face à la poussée électorale des extrêmes. Pour le commissaire français, l'équilibre reste à trouver dans toute l'UE «entre ce qui est crédible pour les marchés et ce qui est supportable pour les peuples». Angela Merkel sort affaiblie de l'épreuve, mais l'orthodoxie financière n'est pas pour autant battue en brèche: «Il est hors de question de renégocier le plan de sauvetage» laborieusement conclu en février avec Athènes, assure un responsable placé au cœur de la discussion.
«Toutes les dettes ne se valent pas»:
Sacrifier le plan grec, ou donner des coups de canif dans le traité budgétaire, serait bien pire que de brûler des idoles d'hier. Ce serait ouvrir la voie aux débordements. Le Portugal, lui aussi sous perfusion européenne, demanderait à coup sûr des aménagements. Quant à l'Irlande, elle trouverait peut-être dans un pacte à géométrie variable une raison de dire une fois de plus «non» à un traité européen, lors du référendum du 31 mai.François Hollande n'a pas encore précisé à ses partenaires européens comment faire «pour que l'austérité ne soit plus une fatalité». À l'approche de sa victoire, le discours avait déjà commencé de bouger, à Bruxelles comme dans les capitales européennes. Cela s'est fait par petites touches, mais les mantras de l'austérité sont déjà peu ou prou écornés: moins de réformes structurelles et de coupes budgétaires, davantage de souplesse, d'emploi et de croissance. «Toutes les dettes publiques ne se valent pas», avance sous couvert d'anonymat un haut fonctionnaire en opposant coût de la bureaucratie et investissements d'avenir.
Une première digue a sauté ce week-end lorsque le commissaire finlandais Olli Rehn, en charge du dossier, a implicitement admis que l'objectif d'un déficit budgétaire réduit à 3% en 2013 ne serait peut-être pas tenu par tous. La Grèce, bien sûr, mais aussi l'Espagne accablée par la récession et le chômage pourraient bien bénéficier les premiers de cette dispense inexprimable le mois dernier. En vertu de «circonstances exceptionnelles», validées par les autres pays de l'UE.
Le pari est que les marchés prendront cet accommodement comme un acte de réalisme politique et non pas comme un aveu de laxisme sur l'euro. Le grand point d'interrogation reste bien sûr la France: sa trajectoire budgétaire est déjà hors norme et rares sont ceux qui croient encore qu'elle pourra tenir la ligne, en dépit des assurances répétées du président élu.
La seconde exception à la règle du jeu concerne le Fonds de secours de l'euro, lui aussi laborieusement négocié par traité avec Berlin. Là encore, c'est l'Espagne et ses banques laminées par la récession qui donnent des sueurs froides. L'idée agitée dans plusieurs capitales serait d'autoriser le «fonds monétaire européen» à prêter directement - c'est-à-dire sans condition - aux banques espagnoles. Mais ce guichet ouvert se heurte toujours à l'opposition frontale d'Angela Merkel.
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